J'hiberne, petit, petit,
physiquement et mentalement : n'ai qu'une idée à la fois et avec de
grands trous sidérés devant le monde entre deux fusées
tremblantes... me tiens coite... ai petit désir tremblant pour les
jeunes à venir et pour mes frères et soeurs gens de peu...
vaguement honte seulement de ne pas m'agiter, agir, peut être même
militer, je me dis, non sans un peu de lâcheté, que ne saurais le
faire utilement
Mais, comme, ainsi que le
fais régulièrement dans ces moments de retrait, je prenais mon
Montaigne, l'encore jeune Brigitte (vingt neuf ans, c'est encore
jeune, surtout avec notre maturité moins précoce à cette époque)
m'a fait signe, m'a justifiée presque, depuis un petit déjeuner
sauté, sur l'herbe du lycée hors les murs, depuis les CMA et le
festival de 1971, et j'ai lu
Le jeune doit faire ses
apprets, le vieil en jouir, disent les sages. Et le plus grand vice
qu'ils remerquent en nostre nature, c'est que noz desirs rajeunissent
sans cesse. Nous recommençons tousjours à vivre. Nostre estude et
nostre envie devroyent quelque fois sentir la vieillesse. Nous avons
le pied à la fosse, et nos appetits et poursuites ne font que
naistre :
Tu secanda
mamora
...
Tu
fais tailler des marbres
Avant
tes funérailles
Sans
souci du tambour (Horace)
Le plus long
de mes desseins n'a pas un an d'estandue ; je ne pense qu'à finir ;
me deffois de toutes nouvelles esperances et entreprinses ; prens mon
dernier congé de tous les lieux que je laisse ; et me depossede tous
les jours de ce que j'ay.
Olim
sum... Depuis longtemps je ne
perds ni ne gagne ; il me reste plus de
provisions
de route que de trajet à faire (Sénèque, Epitres LXXVII)
Vixi, …
J'ai vécu, fait la course, ô
sort,
que
tu me donnes (Virgile, Enéide IV 653)
C'est en fin
tout le soulagement que je trouve en ma vieillesse, qu'elle amortit
en moy plusieurs desirs et soins de quoy la vie est inquietée, le
soing du cours du monde, le soing des richesses, de la grandeur, de
la science, de la santé, de moy. Cettuy-cy apprend à parler, lors
qu'il luy faut apprendre à se taire pour jamais.
Ce
qui ne revient pas à se désintéresser du cours du monde pour les
jeunes, mais à les accompagner sans prétendre y mettre tant de
passion que vienne le désir de gauchir leur projet... et, puisque en
notre monde actuel, ce qui était moins le cas aux temps pourtant
tumultueux de Montaigne, les cadres de la vie changent rapidement,
comme il est humain d'avoir préférence, rien ne m'empêche de me
réjouir de trouver beaux les jeunes qui s'enthousiasmaient l'autre
soir en accueillant Hamon et ses idées.
9 commentaires:
Dire qu'avoir souci des "djeunes" c'est ce qui fait la mécanique suprême
S'enthousiasmer, lire, méditer, oui Brigitte.
observer, juger en silence, ne rien imposer, accompagner
Merci Brigitte belle page
En ces temps troublés, pour lui comme pour nous, reprendre son Montaigne, par monts et par vaux, pour aller vaillamment.
même si pour lui aller (à cheval vers l'Italie) était un calvaire
Retour à Montaigne, comme à la montagne : surplomb philosophique...
pendant des années Montaigne était la première ou presque chose que je mettais dans ma valise… le délaisse un peu depuis vingt ans mais avec des retours
à sauts et à gambades Montaigne oui plus que nécessaire; y revenir comme ça presque sans y penser, ouvrir une page et trouver ce que l'on ne savait pas vouloir trouver. Merci pour ce rappel Brigitte!
Enregistrer un commentaire