Résolue - bien obligée -
à finir de rétablir l'état déficient de carcasse, après avoir
répondu à de gentils voeux, après les premiers échanges aussi gentiment
drôles avec des proches, ai remisé mes vagues idées pour ce matin
du 13 juillet et me suis bornée dans la courte allégresse d'un
petit vent tonique à aller jeter bocaux près du rempart
et porter draps et deux
robes odieuses à repasser à la blanchisserie.
La ville se réveillait un
peu chiffonnée, la marche ferme mais un peu sur le fil de Brigetoun
butait sur des troupeaux de touristes, qui normalement désertent la
ville en cette période, me suis attribuée un gros buisson de fleurs
et feuilles, et m'en suis revenue, de façon à cuisiner vite et
déjeuner assez tôt pour m'accorder une sieste d'une petite heure
avant de partir vers la tentation et épreuve de l'après-midi.
Prévision : navette
partant à quatre heures moins le quart vers le parc des expositions
et la dernière de Die Kabale der Scheinheiligen, das leben des Herrn de Molière, l'ultime
spectacle monté par Frank Castorf pour la Volksbühne, à partir de
textes de Boulgakov, bien entendu, mais aussi Pierre Corneille,
Rainer Werner Fassbinder, Molière et Jean Racine. Un spectacle
énorme (même si cinq heures 45 ce n'est pas le record des
spectacles programmés cette année),
avec un
décor en trois éléments énormes et riches sous la voute du palais des
expositions, avec l'excellence de ses acteurs, leur virtuosité à
jouer de la vidéo volante et de ses effet de loupe, des heurts
d'époque, le spectacle de celui qui perdant son outil, la Voksbünhe,
en évoquant (la suite copiée sur le site du festival d'où viennent
également les photos – Christophe Raynayd de Lage bien sûr - de
ma petite mosaïque) les rapports entre
l'artiste et le pouvoir politique, Frank Castorf convoque deux
figures. Deux ? Quatre ? Bien plus. D'abord : Mikhaïl Boulgakov,
écrivain privé de publications, metteur en scène privé de
représentations. Ensuite : Molière, auteur, acteur et chef de
troupe reconnu et choyé par la cour, jusqu'à sa chute. Puis leurs
juges : Staline pour l'un, Louis XIV pour l'autre. Figures multiples,
elles sont aussi des personnes que Molière et Boulgakov connaissent
directement. Le Français répond à une commande du roi par
L'Impromptu de Versailles. Le Russe s'y réfère pour créer, trois
cents ans après, La Cabale des dévots et Le Roman de Monsieur de
Molière. Mais c'est mal connaître le célèbre metteur en scène
allemand que de croire qu'il se contenterait de ces textes. Il fait
entrer dans Die Kabale der Scheinheiligen d'autres grands, de Jean
Racine à Rainer Werner Fassbinder, et l'éclaire de dialogues nés
au cours des répétitions... Une manière de faire surgir son propre
lien à l'autorité allemande qui l'a dessaisi récemment du «
théâtre du peuple », la Volksbühne. Aujourd'hui que tout semble
permis, que reste-t-il de la censure ? Devant qui l'artiste doit-il
donner le change, chercher son crédit ?
Il
y avait l'envie qui m'avait fait passer outre à mon peu de goût
pour l'expédition vers ce lieu... l'esprit de contradiction plutôt
sain qui me poussait à ne pas tenir compte des avis entendus ces
jours-ci de la part de spectateurs partis en cours de route ou ayant
regretté, faute d'auto, de ne pouvoir le faire, puisque nombreuses
sont les petites gueules, il y avait les bons articles de Libération
et du Monde (mais leurs allusions au côté un rien pénible de la
chose, un bon spectacle étant souvent exigeant), mes souvenirs
enthousiastes ou moins de spectacles Castorf, le petit article sans
réserve du Canard enchaîné qui emportait la décision... me suis
donc allongée, réveil réglé sur trois heures pour avoir temps de
me préparer... la sonnerie a déclenché un geste du bras ramenant
le silence et me suis réveillée un peu avant cinq heures, résignée
devant ce qui était manifestement un acte manqué.
Ai
pensé off ce soir (enfin vaguement pensé parce que j'étais
revenue, des années en arrière à l'état de conscience,
connaissance, de la petite merveille autour de laquelle s'extasiaient
le 13 juillet 1942, à Ajaccio, un jeune ménage et quelques amis,
petite merveille capable de la seule volonté de vivre et d'apprendre
les fonctions principales, vue, toucher et digestion,
de son corps) ai pensé à deux spectacles (un surtout Jaz
à dix-neuf
heures au Verbe incarné) qui bien entendu faisaient relâche, ai
commencé à hésiter devant la richesse de la carte qu'est Avignon,
même en évacuant les non-spectacles, et puis suis restée devant
celui de l'assemblée nationale...
Alors,
désolée, navrée, que les passants qui m'ont fait l'honneur de
venir ici humer l'air d'Avignon me pardonnent, mais du festival il ne
sera pas question.
13 commentaires:
Pas aimé du tout die Kabale . Lourd, grossier, outrancier avec une overdose de video et des personnages grotesques. Des histoires entremêlées, difficiles à suivre et à comprendre. Mes amis et moi avons abandonné à l'entr'acte; nous sommes repartis en taxi du parc des expositions, comme un bon tiers des spectateurs. Une aubaine pour les taxis puisqu'il n'y a de navette qu'à la fin du spectacle. Double punition!
il y a aussi le bis tcra (mais un bon quart d'heure de marche d'un bon pas, ce que j'ai fait une fois à l'heure la plus brulante m'en souviens encore)
Justement il m'arrive d'aimer l'outrance (mais je crois que n'avais pas la force hier)
Acte manqué probablement salutaire !
Il n'y a pas de honte à ne pas se faire de
..de Mal .. (commentaire parti tout seul !)
tout de même un peu de regret honteux, parce que sous mon billet sur Facebook une jeune femme en qui j'ai confiance (et avec laquelle je crois partager des goûts) me dit avoir aimé.. aujourd'hui j'aurais sans doute eu plus la force mais c'est fini
(par contre un presque neveu qui veut me voir à treize heures dans une rue demandant trotte samedi ou dimanche... et me voilà bourrelée de remords en disant : peux pas)
Le spectacle manqué : une idée de théâtre...
J'écoutais tout à l'heure Denis Lavant sur France Culture : dire un texte de Beckett sans bouger, c'est peut-être suffisant, pas besoin de vidéo et de près de cinq heures d'histoires plus ou moins biographiques...
Le théâtre ne doit pas devenir une charge, une souffrance infligée à des spectateurs plus ou moins prisonniers. Molière en aurait sans doute ri !
Reposez-vous de temps en temps et faites confiance à la fantaisie de votre réveil.
lui je vais l'écouter (le 19)
coupable ce matin en ne voyant pas comment vais faire samedi ou dimanche pour voir le jeune de la tribu qui pense à me faire signe (mais à heure et dans lieu pas commode, pas aussi simple qu'on l'imagine tranquillelmnt assis dans son jardin au calme, sourire)
Vivement le prochain spectacle
Que serait un théâtre sans relâche ?
Pierre, mais là dans "relâche" il y avait un peu trop de "lâche"
La fée sur ton berceau à su de bénir de belle volonté et de lucidité
Heureuse enfant es -tu encore
euh Arlette, c'est gentil mais pour la volonté, comment dire.... un peu d'entêtement oui
Dans l'inconscient du théâtre, l'acte manqué est parfois une nécessité.
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