Après la canicule, avant
passage frais, une belle journée,
un peu avant dix heures
promesse de la lumière brute presque rude dans le petit vent, et sa
caresse frisant encore à cette heure sur la ville...
Une Brigetoun désireuse
de se mettre à l'unisson, décidant de faire petite retraite hors
connexion pendant quelques jours, et reprenant, pour meubler, ou par
plaisir un peu aigre (pas satisfaite bien entendu) sa contribution
telle qu'elle s'est résolue dimanche matin à l'envoyer à François
Bon en réponse à la quatrième partie de l'atelier d'été
http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4456,
contribution qui est venu s'insérer
parmi les autres textes
http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4457
(12, la dernière fois que j'ai regardé – faudra que j'y retourne,
le matin, pour débuter)
Pourquoi, vous
négligeant, ai-je suivi des yeux cet homme qui se dirigeait vers la
porte du bus ? j'ai cru le reconnaître, et brusquement j'ai pensé
qu'il pourrait être au centre de... ou un fil à tirer... en fait je
l'ai reconnu, m'y attendait, Pierre mon ami notaire m'en avait parlé
– oui c'est un revenant de notre jeunesse -. Se sont vus ou plutôt
il s'est adressé à Pierre – oh simplement parce qu'il rachetait
les parts de sa maison d'enfance - et puis surtout j'ai butté sur un
nom Fabrère, en faisant l'appel au collège il y a quelques jours,
un nouveau – il s'appelle Jean Fabrère, l'homme – n'ai pas
trouvé au premier regard d'écho entre ce grand garçon blond rieur
et ce nom venu de tant avant, mais peu à peu j'ai découvert, sous
la gouaille un peu frondeuse, très éloignée de la distance un peu
absente de notre ami, la même attention silencieuse - oh ils ne
posent pas de question, ils se contentent de se les poser et d'en
chercher la réponse à travers ce qui passe à leur portée, ce
qu'ils vont chercher – et puis peut-être, chez le fils aussi
peut-on deviner cette sensibilité frémissante à laquelle seuls les
très proches avaient accès... La maison ? Si... vous avez vu, tout
à l'heure, après les petites maisons de village, ce long mur avec
quelques plantes qui dépassaient, juste avant le groupe
d'immeubles, la cité qui a pris la place de leur fabrique –
c'était une entreprise de maçonnerie, couplée d'une fabrique de
cheminées, ornements etc... en pierre reconstituée – c'est le
grand père qui avait fondé le tout... étaient les importants du
coin, le père voulait que Jean prenne la suite... je ne pense pas
que ça beuglait entre eux, pas le genre, plutôt lutte sourde...
Jean en parlait à mots rares et rapides, concentré courtoisement
sur un refus muet, obstiné et muet - le père n'a pas compris, mis
devant résultat, le départ -, voulait, comme moi, continuer études
quitte à être profs, lui en lettres, moi en histoire... était
soutenu par sa mère, une qui regardait de haut, le mari, les
autres... fière de sa famille de hobereaux, ils étaient de
l'Ardèche ou de quelque chose comme ça, c'est là qu'ils se sont
retranchés les deux vieux, elle était grande et autoritaire,
élégante, ou le voulait, mais avec toujours un côté un peu moisi,
des galons à petites fleurs... Jean n'en a gardé que le goût des
cachous Lajaunie - le concierge en avait toujours une provision pour
lui, et nous ses amis - et un amour fidèle – enfin fidèle jusqu'à
je ne sais quand, j'ai vu qu'il était glabre maintenant - pour une
petite moustache faussement spirituelle, pas blonde malheureusement,
la mère l'aurait certainement voulu blonde, mais avec son mari...
C'est à cause d'elle, Madame Fabrère, disait ma mère, que
finalement il a dévié vers la diplomatie, il a fini ambassadeur ou
quelque chose de ce genre auprès d'un organisme international, avant
de revenir ici, et de reprendre la maison... ça a surpris, on
l'aurait plutôt vu dans une belle maison neuve – ou une très
vieille et belle restaurée – dans un des villages -, moi ça ne
m'étonne pas vraiment, il est tranquillement têtu, Jean, et jamais
tout à fait conforme aux habitudes des gens... on ne dit plus de sa
classe, mais vous voyez... justement lui ne le dirai pas, veut pas
être enfermé, n'a pas conscience de l'être, ou il a bien changé,
se croit différent. Ce «pas différent», quand l'ai dit, ou pensé,
l'autre jour, Pierre a souri - pas si différent, sait gérer quand
il le faut, et l'est revenu quand le frère - expansif le frère,
drôle, aimé, et incorrigiblement jouisseur, un peu sot peut-être
et sympathique - l'a appelé - n'est pas apparu, seul Pierre, déjà
à l'époque, l'a rencontré et pas en privé-, il a organisé en
sous main la vente aux meilleurs conditions, a conservé en indivis
la maison qui n'intéressait pas le repreneur – va au direct notre
ami détaché de tout. Froid et lisse vous pensez ? Un peu
ennuyeux... oui mais ça c'est moi... parce que, quand le disions -
quand le disons, puisqu'on commence à parler de lui, toujours
retranché tranquillement quatre mois après son retour -, les femmes
sourient et c'est vrai qu'il a toujours plu aux filles, enfin un
temps au moins, a été marié quatre fois semble-t-il, et d'abord à
elle, celle que voulions tous les trois, il lui adressait des poèmes
qu'il nous lisait avant, et nous nous en moquions avec une
gentillesse un rien surplombante – étaient très célestes, anges,
amour et toujours - mais elle elle a dû les aimer, l'a épousé,
pour se heurter à la mère, à son fiel souriant et à ses conseils
pointilleux. Et puis là il nous a étonné le Jean, et a fait
scandale, parce que des poèmes il en a écrit encore, et fait
publier par le libraire de la rue Carnot, mais des poèmes de toute
autre tonalité, enfiévrés et précis, bien trop précis pour ne
pas avoir du succès, même si chacun prétendait : on m'a dit que...
Nous, Pierre, moi et le petit groupe, c'est tout ce que savions de
lui alors... Mais la mère, furieuse elle était la mère, elle
fulminait contre la mauvaise influence de cette fille.. jusqu'au
moment où elle a pavoisé, en grand-mère fière. Bon ça n'a pas
duré, l'enfant est mort, ils ont divorcé et elle, elle est revenue,
et s'est cachée plus ou moins. Moi je l'ai revue à ce moment, avec
moi elle pleurait, mais elle n'était pas en colère, ne me disait
pas grand chose, sauf regrets de lui, et je l'écoutais en espérant
que... seulement le temps que je me risque elle avait rencontré son
maçon, et algérien de surcroit, et elle est sorti de nos radars.
Vous voyez c'est moi que les femmes trouvent ennuyeux, enfin sauf ma
femme, ou elle le dit gentiment... rencontre l'actuelle Madame
Fabrère, la belle et très jeune Madame Fabrère, ma femme, et se
met en colère quand elle nous entend spéculer sur l'avenir du
couple, dit qu'elle est gentille, la nouvelle, gaie et ostensiblement
amoureuse. Lui il a l'air serein, mais se fier à son air... Enfin on
verra. Entre temps il y a eu une anglaise, la mère de mon élève,
et puis on ne sait pas, ou pas encore, c'est pas lui qui nous le
dira, et la famille n'est plus là. De toutes façons j'ai déjà
trop parlé de lui.
9 commentaires:
De temps en temps, écrire, oui, dans un autre cadre...
ou lire, ou regarder le bout de son nez, ou ne rien faire...
ou tenter de penser
on verra
@ brigetoun : pas eu le temps de taper plus haut mon identification !
Sacré Jean ! beaux personnages et décors et trame en si peu de mots
euh ! Claudine je ne dirais pas si peu de mots (un peu une tartine mon truc, non ? sourire)
Tartine ? c'est le contenu d'une nouvelle en un seul chapitre
à mon échelle (là c'est rire)
Le temps suspendu, suivre des yeux en dérive le fantôme...
T'es mots coulent comme du miel...en tartine si tu veux
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