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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

lundi, mai 28, 2018

Dans l'antre et une cour

Un jour de complexes (trop grosse, trop bossue, trop grimaçante, l'esprit assorti) et, lorsque la pluie du petit matin s'en est allée, passé le grand plaisir du retour de Dominique Hasselmann sur internet https://hadominique75.wordpress.com/2018/05/27/metronomiques-revient/passée l'admonestation au vieil hortensia qui s'est interrompu dans son effort, passé le salut aux deux premières roses et aux boutons qui se préparent à les remplacer, passée la petite prière encourageante aux toutes petites fleurs de l'olivier fou (les ai agrandies pour m'assurer de leur existence), j'en suis restée à l'antre, aux cheveux lavés, à une lessive, à l'aspirateur
et restant dans le calme de l'antre, à une boulimie de lecture, un peu d'un vieux livre de Roth que j'aime moins que la tache, le complot contre l'Amérique ou j'ai épousé un communiste et puis aux 31 textes de la proposition 5 – générique et expansion, avec Claude Simon de l'atelier «vers une écriture-film» de François Bon http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4744 et du coup, je recopie ma participation (prenez votre élan ou passez votre chemin) qui ne m'éloigne pas tant de ma cour
Au-dessus des quatre murs il y a une découpe de ciel qui, en fait, s'élargit sur la droite et sur la gauche, puisque les murs, là, n'ont que la hauteur d'un étage, et à cette heure il est hésitant, semble juste évoquer un futur jour bleu ; il y a les dalles du sol, céramique nue, rose en principe, comme un tapis dessiné par les dalles - les deux rangées qui longent les murs encadrant un grand rectangle de carreaux disposés en biais - devenu depuis longtemps un paysage aux tons mouvants, blanchi par le mur qui s'effrite au vent, verdi - vert clair évoquant la mousse ou vert bruni de lichens séchés - par les averses, et puis ces trois endroits, deux carrés et un rectangle, où les carreaux sont remplacés par des pavés de verre pour qu'un peu de jour pénètre, vaguement, dans l'arrière boutique du rez-de-chaussée, pavés de verre si épais et soumis aux intempéries qu'opaque, cernés d'un gros ruban blanc d'une matière étanche que l'on vient de renouveler, qui commence à brunir ou jaunir par place, les couleurs pures ne survivent pas ici ; il y a les murs, celui du fond qui montait tout droit comme une frontière indépassable en grosses pierres irrégulières grossièrement maçonnées sur deux étages, surmontées de plusieurs rangs de parpaings trace d'une surélévation de la vieille maison qui tourne le dos à la cour, frontière récemment percée à mi-hauteur par la profonde embrasure d'un fenestron à la vitre opaque, oeil heureusement impuissant rencogné au fond de cet orbite, la maçonnerie irrégulière se retournant, sur un niveau, en un long mur séparant cette cour de la cour mitoyenne, mur qui fait face à une façade de même hauteur, s'ouvrant par une fenêtre en arc surbaissé, derrière un fort barreaudage, façade dont l'enduit, très endommagé par une humidité provenant de la mauvaise étanchéité de la canalisation d'évacuation des eaux de la terrasse qui coiffe cette petite aile, imite un sol lunaire... on pénètre dans la cour par la grande porte-fenêtre, munie de volets en lattes de bois peintes de ce bleu un peu passé qui habille la plupart des menuiseries ordinaires de la région, et surmontée d'une lanterne aux vitres sales et sans ampoule. Par dessus la rambarde de ciment de la terrasse qui domine la cour, à gauche, dépassent les branches d'un laurier miniature et quelques petites fleurs mauves que le soleil naissant traverse et qui frémissent doucement dans le vent qui se lève. Sous une partie de la fenêtre, un gros bac de fausse pierre abrite, autour d'un petit arrosoir de zinc abandonné, un peu boiteux, sur le sol irrégulier, des feuillages sauvages, que l'on retrouve dans certains des pots parsemés dans la cour, ceux qui ne contiennent plus que des minuscules souches, cadavres de plantes anciennes ; survivent pourtant de hautes branches souples, haubanées sur un tuyau peint de feuilles de vigne, branches qui sont un olivier baroque grimpant désespérément vers la lumière, un gros laurier qui fabrique de grandes feuilles, si lasses que se penchent vers le sol, mais a oublié depuis longtemps l'existence possible de fleurs, un fusain à l'étonnante vivacité qui déborde d'un petit pot, les branches d'une plante au nom oublié encadrant le fenestron face à la porte-fenêtre, un haut bambou qui bouche la fenêtre et quelques plantes passagères autour d'une vieille petite table de bois usé par les pluies et d'une chaise de fer noir. Dans un angle, sous une grande pelle accrochée au mur depuis des années, deux sacs contenant l'un de l'argile jaune durcie, l'autre un peu de terre végétale oubliée, à côté d'une petite bassine de plastique bleu retournée sur laquelle sont posés quelques outils de modelage dans un sac couvert d'une poussière collée par de nombreuses pluies. L'ensemble, désert, dort paisiblement sous le léger souffle du jour naissant.
Le soleil est monté dans le ciel - maintenant plaque d'un bleu lumineux, dur, qui pèse de toute la chaleur de midi sur la cour - et il baigne le mur mitoyen et une partie du sol. Un grand bruit d'ailes claque dans le silence et un, puis deux pigeons se posent sur ce mur, et restent figés, immobiles, au dessus de la cour qu'ils ont réveillée un instant. Un mouvement dans la pièce, en réponse, un appareil-photo, une silhouette sur le seuil, et l'envol lourd des deux oiseaux, juste un peu trop rapide pour que le doigt trouve sa place, déclenche l'appareil. Un rire. Des yeux qui se lèvent vers la gloire lumineuse du ciel. Elle pose l'appareil sur la chaise, dans l'ombre, et va se coller dos au mur, yeux fermés, tente de se faire pierre parmi les autres, sous la caresse brutale de la chaleur. La bouche s'ouvre légèrement à la recherche d'un souffle, les paupières se crispent sur le feu rouge qui éblouit les yeux, dans une tentative d'absence au monde, à soi, qui se transforme en sensation pure de la pulsion de vie. Elle ouvre les yeux, se détache du mur, juste pour voir le petit gecko, secret caché de la cour, disparaître derrière une plaque de plomb sculptée posée contre le bac de terre. Elle sourit de déception, rentre dans l'ombre de la pièce, se verse un verre d'eau fraiche.

Suis redoutable quand n'ai pas d'idée.

4 commentaires:

casabotha a dit…

Vous êtes redoutable tout simplement, sous le ciel ou au-dessus

Brigetoun a dit…

la famille est bien d'accord

Dominique Hasselmann a dit…

Merci pour la mention du retour de "Métronomiques" et pour votre essai littéraire !

Il est vrai que ce "décrochage" m'avait fait oublier tout Internet et notamment les ateliers d'écriture de François Bon...

Bonne journée !

Brigetoun a dit…

Dominique le livre du précédent atelier devrait paraître (là sur les diptyques avons tous, sais pas pourquoi, étés très longs… et moi j'ai mis quinze jours à me décider, je peinais à rester présente - sourire)