Un jour de complexes (trop
grosse, trop bossue, trop grimaçante, l'esprit assorti) et, lorsque
la pluie du petit matin s'en est allée, passé le grand plaisir du
retour de Dominique Hasselmann sur internet
https://hadominique75.wordpress.com/2018/05/27/metronomiques-revient/, passée l'admonestation au vieil hortensia qui s'est interrompu dans son effort, passé le salut aux deux premières roses et aux boutons qui se
préparent à les remplacer, passée la petite
prière encourageante aux toutes petites fleurs de l'olivier fou
(les ai agrandies pour
m'assurer de leur existence), j'en suis restée à l'antre, aux
cheveux lavés, à une lessive, à l'aspirateur
et restant dans le calme
de l'antre, à une boulimie de lecture, un peu d'un vieux livre de
Roth que j'aime moins que la tache, le complot contre l'Amérique
ou j'ai épousé un
communiste et puis aux 31 textes
de la proposition 5 – générique et expansion, avec
Claude Simon de l'atelier «vers
une écriture-film» de François Bon
http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4744
et du coup, je recopie ma participation (prenez votre élan ou
passez votre chemin) qui ne m'éloigne pas tant de ma cour
Au-dessus des quatre
murs il y a une découpe de ciel qui, en fait, s'élargit sur la
droite et sur la gauche, puisque les murs, là, n'ont que la hauteur
d'un étage, et à cette heure il est hésitant, semble juste évoquer
un futur jour bleu ; il y a les dalles du sol, céramique nue, rose
en principe, comme un tapis dessiné par les dalles - les deux
rangées qui longent les murs encadrant un grand rectangle de
carreaux disposés en biais - devenu depuis longtemps un paysage aux
tons mouvants, blanchi par le mur qui s'effrite au vent, verdi - vert
clair évoquant la mousse ou vert bruni de lichens séchés - par les
averses, et puis ces trois endroits, deux carrés et un rectangle, où
les carreaux sont remplacés par des pavés de verre pour qu'un peu
de jour pénètre, vaguement, dans l'arrière boutique du
rez-de-chaussée, pavés de verre si épais et soumis aux
intempéries qu'opaque, cernés d'un gros ruban blanc d'une matière
étanche que l'on vient de renouveler, qui commence à brunir ou
jaunir par place, les couleurs pures ne survivent pas ici ; il y a
les murs, celui du fond qui montait tout droit comme une frontière
indépassable en grosses pierres irrégulières grossièrement
maçonnées sur deux étages, surmontées de plusieurs rangs de
parpaings trace d'une surélévation de la vieille maison qui tourne
le dos à la cour, frontière récemment percée à mi-hauteur par la
profonde embrasure d'un fenestron à la vitre opaque, oeil
heureusement impuissant rencogné au fond de cet orbite, la
maçonnerie irrégulière se retournant, sur un niveau, en un long
mur séparant cette cour de la cour mitoyenne, mur qui fait face à
une façade de même hauteur, s'ouvrant par une fenêtre en arc
surbaissé, derrière un fort barreaudage, façade dont l'enduit,
très endommagé par une humidité provenant de la mauvaise
étanchéité de la canalisation d'évacuation des eaux de la
terrasse qui coiffe cette petite aile, imite un sol lunaire... on
pénètre dans la cour par la grande porte-fenêtre, munie de volets
en lattes de bois peintes de ce bleu un peu passé qui habille la
plupart des menuiseries ordinaires de la région, et surmontée d'une
lanterne aux vitres sales et sans ampoule. Par dessus la rambarde de
ciment de la terrasse qui domine la cour, à gauche, dépassent les
branches d'un laurier miniature et quelques petites fleurs mauves que
le soleil naissant traverse et qui frémissent doucement dans
le vent qui se lève. Sous une partie de la fenêtre, un gros bac de
fausse pierre abrite, autour d'un petit arrosoir de zinc abandonné,
un peu boiteux, sur le sol irrégulier, des feuillages sauvages, que
l'on retrouve dans certains des pots parsemés dans la cour, ceux qui
ne contiennent plus que des minuscules souches, cadavres de plantes
anciennes ; survivent pourtant de hautes branches souples, haubanées
sur un tuyau peint de feuilles de vigne, branches qui sont un olivier
baroque grimpant désespérément vers la lumière, un gros laurier
qui fabrique de grandes feuilles, si lasses que se penchent vers le
sol, mais a oublié depuis longtemps l'existence possible de fleurs,
un fusain à l'étonnante vivacité qui déborde d'un petit pot, les
branches d'une plante au nom oublié encadrant le fenestron face à
la porte-fenêtre, un haut bambou qui bouche la fenêtre et quelques
plantes passagères autour d'une vieille petite table de bois usé
par les pluies et d'une chaise de fer noir. Dans un angle, sous une
grande pelle accrochée au mur depuis des années, deux sacs
contenant l'un de l'argile jaune durcie, l'autre un peu de terre
végétale oubliée, à côté d'une petite bassine de plastique bleu
retournée sur laquelle sont posés quelques outils de modelage dans
un sac couvert d'une poussière collée par de nombreuses pluies.
L'ensemble, désert, dort paisiblement sous le léger souffle du jour
naissant.
Le soleil est monté
dans le ciel - maintenant plaque d'un bleu lumineux, dur, qui pèse
de toute la chaleur de midi sur la cour - et il baigne le mur mitoyen
et une partie du sol. Un grand bruit d'ailes claque dans le silence
et un, puis deux pigeons se posent sur ce mur, et restent figés,
immobiles, au dessus de la cour qu'ils ont réveillée un instant. Un
mouvement dans la pièce, en réponse, un appareil-photo, une
silhouette sur le seuil, et l'envol lourd des deux oiseaux, juste un
peu trop rapide pour que le doigt trouve sa place, déclenche
l'appareil. Un rire. Des yeux qui se lèvent vers la gloire lumineuse
du ciel. Elle pose l'appareil sur la chaise, dans l'ombre, et va se
coller dos au mur, yeux fermés, tente de se faire pierre parmi les
autres, sous la caresse brutale de la chaleur. La bouche s'ouvre
légèrement à la recherche d'un souffle, les paupières se crispent
sur le feu rouge qui éblouit les yeux, dans une tentative d'absence
au monde, à soi, qui se transforme en sensation pure de la pulsion
de vie. Elle ouvre les yeux, se détache du mur, juste pour voir le
petit gecko, secret caché de la cour, disparaître derrière une
plaque de plomb sculptée posée contre le bac de terre. Elle sourit
de déception, rentre dans l'ombre de la pièce, se verse un verre
d'eau fraiche.
Suis redoutable quand n'ai
pas d'idée.
4 commentaires:
Vous êtes redoutable tout simplement, sous le ciel ou au-dessus
la famille est bien d'accord
Merci pour la mention du retour de "Métronomiques" et pour votre essai littéraire !
Il est vrai que ce "décrochage" m'avait fait oublier tout Internet et notamment les ateliers d'écriture de François Bon...
Bonne journée !
Dominique le livre du précédent atelier devrait paraître (là sur les diptyques avons tous, sais pas pourquoi, étés très longs… et moi j'ai mis quinze jours à me décider, je peinais à rester présente - sourire)
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