ciel en saphir, belle
chaleur et petites maladresses et étourderies, comme prévu, j'en
reste aux deux derniers textes de la première slave pour l'atelier
d'été de François Bon, après
https://brigetoun.blogspot.com/2018/06/coin-de-rue-un-peu-depuis-lantre.html
et https://brigetoun.blogspot.com/2018/06/paresse-estivale.html
avec grimaces plus ou moins sincères (parce que bon c'est un peu
beaucoup ridiculement contourné, sur des bidules sans intérêt, mais me suis appliquée, avec
plaisir)
#9 – bande son
https://youtu.be/NZ1I0uwxCvs
Il est reparti, son
mocassin claquant très doucement sur le macadam humide en descendant
de la pierre... une branche d'arbuste débordant du jardin s'est
redressée en éparpillant de fines goûtes quand son épaule, qui la
retroussait, s'est éloignée, et il a cru entendre, en contrepoint
de ses premiers pas, un brusque murmure de fouet, l'écrasement
minuscule des goutelettes. Comme si le chant de la pluie, en cessant,
avait, dans l'air nettoyé, réveillé la rue, tous les infimes et
rares bruits de la vie... Un bourdonnement, le souffle d'une voiture,
là-bas au loin, dans la rue perpendiculaire, devant cette
médiathèque vers laquelle il allait.. Il s'arrêta, regarda son
jean presque sec, la manche trempée de sa veste, et voilà que son
geste éveillait un son d'humidité froissée. Il hésitait – pas
vraiment envie de sortir de sa solitude, d'ailleurs ce n'était pas
vraiment un rendez-vous... Un trottinement sur du gravier et un
brusque aboiement, japement plutôt, dans son dos. Venu du jardin ?
Le souffle, peut-être, du chien, en arrêt tendu – non plutôt en
repos, essouflement de vieillesse. D'ailleurs il y avait la barrière.
Un trille, une petite musique cristaline, il ne savait où, quelque
part, devant, et puis dans son dos, dans le jardin sans doute, un
rire de femme, un appel, le trottinement du chien qui s'éloignait,
rejoignait un bruit de sandales faisant crisser le gravier, et la
tension qui l'habitait depuis une heure, celle qu'il avait refoulée
par la recherche des souvenirs, qui l'avait figé involontairement
sous le japement, s'est dénouée. La rue qu'il croyait jusque là
silencieuse, prenait vie, et vie aimable à base de légers sons. Et
même les répons entre un portail secoué, la vibration d'un
grillage, le claquement lointain d'un volet de bois, dans le petit
vent qui se levait maintenant, devenaient musique. Oui, la rue
s'animait, et venait vers lui un chuintement de roues sur l'humidité,
le cycliste lui adressait, en le dépassant, d'une voix où l'accent
chantait avec trop d'assurance, un salut incompréhensible...
derrière lui, le bruit léger d'une fenêtre qui s'ouvrait et
l'entrain velouté d'une voix de mezzo. Il s'est retourné. L'arbre
cachait la fenêtre, et ses feuilles bougeaient lentement en appui du
chant.
#10 – compte triple
https://youtu.be/GE5h5i_Glk8
Il restait là, dans
l'odeur lourde, délectable, comme une soupe de vieilles pommes
caramélisées, qui s'élevait de la terre mouillée et il écoutait,
sans envie de repartir, la voix de la femme, chaude et abricotée,
velours d'orange mêlé de rose, avec cette suavité ferme qui se
dissout, se fait purée de saveur parfumée dans la bouche et
l'emplit, ne s'efface que lentement. Il restait là, sans pensées,
les sens éveillés par le contact assez désagréable de la manche
humide sur la peau de son bras qui se rétractait et s'éveillait, se
singularisait, s'alliait à l'odeur du sol, à celle plus aillée,
tonique, des feuilles du micocoulier, à l'idée liquide de l'air
rafraîchi par l'ondée que le vent naissant posait comme une lotion
sur son visage. Il a essuyé, instinctivement, une main sur son
jean... le contact râpeux de l'étoffe, et puis en s'attardant, dans
son absence de pensée, la main glissant en suivant les fils de la
trame, jouant de leur imperceptible relief. Il restait là dans le
cocktail d'odeurs du jardin, du macadam, un vague relent de crottes,
figé dans l'envie de voir le visage de cette femme, et il s'appuyait
sur la rambarde de bois, le vernis humide sous ses doigts, la caresse
rude d'une branche hérissée de larges aiguilles d'un arbuste
inconnu que la brise plaquait sur le dos de sa main. Il s'est dégagé,
a fait quelques pas vers l'origine de la rue, s'est arrêté à
nouveau devant la maison voisine, dans une odeur de chèvrefeuille
fané, odeur qui s'évanouissait, perdait de sa puissance
ennivrante, devenait désagréable, prenait un goût d'anis mal dosé,
et se retournant il voyait maintenant, par une fenêtre ouverte, sans
l'obstacle de l'arbre, une pièce, une cuisine sans doute, et la
femme, la laideur lourde de son visage, curieusement assortie
pourtant à cette voix mélodieuse et chaude comme un fruit
ensoleillé, accompagnés par une odeur ronde et épicée de café,
qui lui a donné faim. A mis une main dans sa poche, a senti à
travers un peu de poussière, de bribes de tabac, le rond contact
poisseux d'un bonbon oublié. Un goût articiel, un peu
médicamenteux, un semblant de sucre chimique, une fausse saveur de
réglisse, travestissement exécrable de la profondeur sombre
attendue. Il l'a recraché, a extirpé, petit cylindre de papier
doux, vague odeur qui a réjoui son nez, une cigarette d'un paquet de
gauloises sorti de sa poche, et avant de l'allumer, pour se nettoyer
la bouche, a cherché, trouvé, sur le bord de la fenêtre close
devant laquelle il se tenait maintenant, des petits cailloux, que sa
main, dans cette vacance, cette absence de volonté qui était la
sienne, a testés, caressés pour en choisir un, assez petit, assez
rond, assez frais et lisse, un peu marmoréen, et l'a porté à sa
bouche. L'a fait tourner un peu sous sa langue, retrouvant son
enfance, la saveur fraîche, une douceur légèrement aillée, l'a
coincé, avant de marier à cette clarté l'âcreté de la gauloise.
Et sa langue caressant les brins de tabac compressés, cédant à
son envie de régression, il est revenu vers le bout de la rue, la
fenêtre dans les feuilles, la brasserie de la place, une envie de
chocolat, doux, sucré, chaud.
3 commentaires:
Nuage en forme de Brigetoun pour ciel hyper attentif
Je me demande toujours comment vous faites vos montages de photos... :-)
autrefois Picasa mais ça ne marche plus alors j'ai trouvé un petit logiciel (pas cher comme dirait petite-soeur près de ses sous parce que n'en a pas tant et veut donner plaisir) nommé fotor
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