Regarder à 4 heures du
matin la vidéo de François Bon pour le 20 de l'atelier d'été, me
recoucher en pensant une idée viendra et me rendormir
Me réveiller courbatue,
yeux peinant à trouver leur place, vers sept heures, déplier
lentement mon cerveau en lisant les amis, sortir saluer le rouge
profond des premiers boutons, trouver l'idée, poser une première
phrase... laisser reposer et entrer doucement dans le jour
en partant, vêtue de
court et léger, avec mes détours habituels pour éviter la foule, sous le ciel rayonnant un peu après dix heures, par
les rues qui commence à porter traces du festival, dans un joli
petit vent, pas mistral rageur, mais souffle joueur et qui apporte à
la chaleur de l'air juste la modération nécessaire.
Assez fort tout de même
pour que, en abordant la place Saint Didier et les étals
qu'installaient les bouquinistes, je danse un moment sur place
essayant de contrarier, avec succès mais au bout d'une longue
minute, de contrarier l'insistance de deux
cartons-porteurs-d'affiche, reliés entre eux comme par une charnière, à rester plaqués rudement sur mes jambes, enfermant mes mollets et voulant leur
dicter leurs mouvements...
J'allais au théâtre des
Halles, commençant ainsi, comme presque chaque année, mon petit
festival, écouter, dans la toute petite chapelle qui a perdu son
rôle de salle d'attente-buvette, Jean-Quentin Châtelain (suis
inconditionnelle de sa voix) dire Arthur Rimbaud, «une saison en
enfer» (photo copiée sur le site du théâtre)
C’est une expérience
intime du texte, mystique, déchirante, rendue sur scène avec comme
espace de création le purgatoire, en référence à la Divine
Comédie de Dante. Un espace mental, abstrait, mais composé de
matériaux issus du quotidien de Rimbaud ou de ses souvenirs, selon
le site du théâtre.
Et
c'est cela, ou ce le fut pour moi, cette voix qui mange parfois un
mot, comme en trébuchant, qui malmène parfois la musique poétique,
qui fait vivre le sens de chaque phrase (la douleur à laquelle je
commandais sagesse y aidait un peu mais pas tant) murmurée,
propulsée, vécue par la grande silhouette dressée dans une
pénombre vivante (beau travail de l'éclairagiste) enchâssée dans
un amoncellement de longs tissus, tuniques ou manteaux.
Pour donner ou rappeler
une petite idée de sa voix, le très court teaser installé sur
YouTube
Enfin quoi,
pour moi, c'était un très beau début
et c'est d'un pas allègre
que suis rentrée faire cuisine, cocoter carcasse, l'ensoleiller
juste le temps supportable dans la réverbération du mur de la cour,
dormir, rédiger mon petit truc pour l'atelier d'été, lire, notamment les dernières contributions, écouter musique, vivre tout
doux en rive de l'agitation.
de gagner la
seule place à peu près correcte que j'occuperai cette année, puisqu'au septième rang mais avec le grand défaut de me coincer presque en bout de rang, contre le grillage… compte tenu de petite douleur persistante j'ai essayé en vain de négocier avec un assis dans les rangs supérieurs…. (ce qui fait qu'à la fin, comme la langueur de l'expression de la douleur des deux frères l'avait réveillée avec force, j'ai un tantinet piétiné une petite trentaine de pieds pour m'extirper et saluer à côté des pompiers)...
pour assister à la mise en
scène par Thomas Jolly (grand souvenir, que
quelques bémols ont peu à peu ramenés à bon spectacle avec
enthousiasmant phénomène de solidification du public endurant, de
sa mise en scène d'Henry VI) de «Thyeste» de Sénèque –
l'ai vu en 1994 (je viens de vérifier
la date) aux Amandiers dans une mise en scène de Jean-Pierre Vincent
mais j'en gardais un souvenir un peu flou, comme de bien des choses de
cette époque, si ce n'est l'impression d'une secousse prodigieuse – – avec une musique de scène de Clément
Mirguet, (des instrumentistes sur scène dans la plus belle scène sans doute, appuyant la voix de "la" coryphée puisqu'elle était une, avec la Maîtrise de l'Opéra
Comique et celle de l'opéra d'Avignon, incarnant le regard du futur,
la jeunesse impuissante face au chaos dans
lequel elle devra vivre et grandir)
une production du festival, de la Piccola Familia , du TNS et de la
Comédie de Saint Etienne.
(photo
de Christophe Raynaud de Lage,
http://www.festival-avignon.com/fr/spectacles/2018/thyeste
où l'on trouve également de belles photos des répétitions avec
les enfants)
Paresseusement
j'ai, avant de partir, fait un copié-collé du début de la
présentation
L'histoire de ce crime
si terrible a semble-t-il fait dévier le soleil de son orbite en
l'entendant. Alors qu'Atrée règne en paix sur Mycènes, son jumeau,
Thyeste, séduit sa femme et s'empare du bélier d'or. Devant ce
double vol, Atrée a la vengeance furieuse et sert à celui qui est
son frère la chair de ses enfants en banquet. Parmi les tragédies
de Sénèque, celle que Thomas Jolly choisit de présenter est la
plus extrême, la plus sauvage et la plus surnaturelle aussi. Les
sujets (l'adultère, le vol, l'infanticide et le cannibalisme) sont
irreprésentables et les moyens inventés pour les mettre en oeuvre
(la douleur, la rage et le néfaste) implacables. Sans doute parce
que Thyeste n'est pas la seule victime de cet attentat qui paralyse
la pensée…
Alors que dire, rassemblant très rapidement mes souvenirs, et tentant de ne pas laisser la lenteur des dernières scènes, dont le tempo volontairement lent, avec des blancs qui étaient juste un peu plus qu'excessifs, cassait toute émotion (du moins pour moi) déjà un peu noyée par trop de beautés, de ne pas laisser donc cette baisse de tension détruire les très beaux souvenirs que ce spectacle m'a laissé… d'abord l'une des plus belles utilisations du mur que j'ai vues, et de superbes lumières, les jaillissements de colonnes lumineuses comme jaillissent des jets d'eau, les moments où le mur pleurait de longues bandes lumineuses, le tout petit bonhomme en blanc escaladant la grande tête pour s'installer sur une petite estrade et déclencher la belle bande sonore, le nuage de papillons noirs, qui comme l'ensemble du spectacle bénéficiait de surcroit de l'aide du vent qui nous tombait dessus par rafales, faisait gonfler les chemises blanches des jeunes furies aux longues perruques noires, rubans rouge sang et yeux brillants comme des diamants du prologue (un Tantale tout en collant de tricot argenté, et à la belle voix, pas uniquement en vociférations), la voix de Damien Avice (Thyeste) gardant sa rondeur même dans le cri en bel accord musical avec celles des enfants qui jouaient ce soir ses fils, des idées de mise en scène à foison, la voix, la profération émouvante sans hurlements - sans doute pour moi la meilleure - du messager, Lamya Regragui, (et la façon dont le vent jouait avec sa jupe jaune, son corsage rose et le rayon de lumière braqué sur elle pour la transformer en une torche palpitante pendant que son ombre s'élevait presque jusqu'au haut du mur), juste ensuite celle d'Emeline Fremont (le choeur), modérée dans son cri pour s'accorder aux instrumentistes et au choeur d'enfants, de très très belles images… mais justement sans doute un peu trop, et trop de moyens, écrasant l'horreur sacrée qui devrait se dégager (qui finalement, dans ma mémoire, semblait plus efficacement rendue en 1994 - et j'ai trouvé en sortant un autre vieil imbécile, peut-être enclin à embellir le passé et une sobriété plus grande, pour partager cette impression). En gros beau, très beau, un peu gâté.
Alors que dire, rassemblant très rapidement mes souvenirs, et tentant de ne pas laisser la lenteur des dernières scènes, dont le tempo volontairement lent, avec des blancs qui étaient juste un peu plus qu'excessifs, cassait toute émotion (du moins pour moi) déjà un peu noyée par trop de beautés, de ne pas laisser donc cette baisse de tension détruire les très beaux souvenirs que ce spectacle m'a laissé… d'abord l'une des plus belles utilisations du mur que j'ai vues, et de superbes lumières, les jaillissements de colonnes lumineuses comme jaillissent des jets d'eau, les moments où le mur pleurait de longues bandes lumineuses, le tout petit bonhomme en blanc escaladant la grande tête pour s'installer sur une petite estrade et déclencher la belle bande sonore, le nuage de papillons noirs, qui comme l'ensemble du spectacle bénéficiait de surcroit de l'aide du vent qui nous tombait dessus par rafales, faisait gonfler les chemises blanches des jeunes furies aux longues perruques noires, rubans rouge sang et yeux brillants comme des diamants du prologue (un Tantale tout en collant de tricot argenté, et à la belle voix, pas uniquement en vociférations), la voix de Damien Avice (Thyeste) gardant sa rondeur même dans le cri en bel accord musical avec celles des enfants qui jouaient ce soir ses fils, des idées de mise en scène à foison, la voix, la profération émouvante sans hurlements - sans doute pour moi la meilleure - du messager, Lamya Regragui, (et la façon dont le vent jouait avec sa jupe jaune, son corsage rose et le rayon de lumière braqué sur elle pour la transformer en une torche palpitante pendant que son ombre s'élevait presque jusqu'au haut du mur), juste ensuite celle d'Emeline Fremont (le choeur), modérée dans son cri pour s'accorder aux instrumentistes et au choeur d'enfants, de très très belles images… mais justement sans doute un peu trop, et trop de moyens, écrasant l'horreur sacrée qui devrait se dégager (qui finalement, dans ma mémoire, semblait plus efficacement rendue en 1994 - et j'ai trouvé en sortant un autre vieil imbécile, peut-être enclin à embellir le passé et une sobriété plus grande, pour partager cette impression). En gros beau, très beau, un peu gâté.
7 commentaires:
Pas mal pour un jour 1...
Sans doute un très beau spectacle (vu l'article hier dans "Libé" papier sur le montage de la tête et la main gigantesques sur la scène de la Cour d'honneur) que seul le lieu unique permet...
Et vous y étiez dès le premier jour !
Cela doit faire du bien de prendre du recul avec Sénèque en ces temps où on ne peut pas dire que la poésie (et la culture pas plus) soit au pouvoir !
casabotha : calme, calme mais vais essayer de continuer ainsi.. plus le tonus pour davantage (d'autant qu'avec le off faut tenir jusqu'au 29)
Dominique… mais le pouvoir on s'en moque - juste on en supporte les effets, alors l'ignorer ou le brocarder (mais je crois réellement que la richesse de ce spectacle ne servait pas vraiment Sénèque… c'était beau, très mais un peu trop)
J'y vais ce soir....
je saurai ainsi si c'est seulement mon estomac qui n'était pas à la hauteur de tant de richesse (sourire) tant de beautés
Il y a des époques où les tragédies touchent sûrement plus, ce doit être formidable à voir dans ce décors de vieilles pierres. Bon Festival à vous.
Les nouvelles mises en scènes ... comme un rappel de notre temps féroce
Je garde tes notes pour Mars "au Liberté" à Toulon ( Berling est quand même dégourdi dans ses programmations)
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