Déjeuner rapide très tôt
pour moi, une petite pause et départ vers une heure dix,
en
recherchant toutes les ombres, y compris celles des bannes des
bouquinistes (avec quelques envies réfrénées) vers la gare
routière, à pas lents parce que j'étais en avance pour prendre la
navette qui partait à deux heures vers l'Autre scène de Védène
(assise à côté d'une journaliste affairée, la toute petite chose
gardait le nez humblement sur son Kobo avec l'âme du miroir
https://www.publie.net/livre/lame-miroir-stavroula-dimitriou/
traversée
de la fournaise yeux sur la fresque et longue longue attente, assis
au sol à l'extérieur pour les plus jeunes, debout avec ce qu'il
faut de réserve et de courtoisie pour oublier la caque dans la clim
de l'intérieur, Brigetoun fortifiant son moral (j'avais
incroyablement sommeil) à l'idée de sa place au premier rang.
N'avais
pas grande envie d'aller à Védène même si l'accueil est d'une
amabilité parfaite, à cause de la navette, à cause de la clim (qui
finalement s'est révélée étonnamment bénine) mais n'ai pas
résisté à l'idée de retrouver la troupe Catalyse (handicapés
mentaux) et ses animateurs Madeleine
Louarn et Jean-François Auguste dans le grand
théâtre d'Oklahama libre
adaptation à partir de textes de la fin de Kafka et de l'Amérique
(une pensée
pour Laurent Margantin, parce que pour meubler l'attente des cinq
autres personnages venus répondre à l'annonce du théâtre
promettant d'engager tout le monde, dit, comme un conte, le début
d'un artiste de la faim –
il me semble que, comme à d'autres moments le texte avait été
enregistré par l'acteur hors représentation)
-
les deux photos sont de Christophe Raynayd de Lage, et ont été
publiées une heure après mon retour.
J'ai
trouvé une interview des deux animateurs sur la Terrasse
https://www.journal-laterrasse.fr/le-grand-theatre-doklahama/
et j'en reprends des bribes
Certaines
problématiques kafkaïennes traitent beaucoup de la domination, de
la place de l’homme dans le monde, de la façon dont on est désigné
hors-jeu ou non, de la faute, de la culpabilité… Ces questions
peuvent faire écho au handicap, à travers, en plus, une littérature
irrésistible...(Madeleine
Louam)
Dans les thématiques
que nous avons choisies se dégage ce que nous avons appelé «les
principes d’assimilation» comme outils de domination. On ne se
rend pas compte des mécanismes de domination dans lesquels on est
pris pour s’intégrer à une société ou à un groupe. C’est
pour cela que le titre Le
Disparu nous convient mieux que L’Amérique.
Il dit à quel point, pour réussir à s’intégrer, il faut faire
disparaître notre identité, notre culture, tout ce qui nous a
constitué jusqu’à présent. L’écriture de Kafka prend
particulièrement de relief avec les acteurs de Catalyse parce
qu’elle parle de trouver le chemin de la liberté. Tout le monde
aspire à être libre, mais pour eux, la montagne à gravir est
encore plus grande. (Jean-François
Auguste)
Un
peu furieuse contre moi, parce que dans le confort de mon siège,
malgré le plaisir et l'admiration, y compris ou surtout des moments
où le jeu laisse voir ce qu'il représente comme dépassement, la
tendresse que me donnais le droit d'éprouver, j'ai eu un ou deux
dodelinement (jamais jusqu'au trou dans le texte)
Dommage
que n'ai pas été aussi mal installée que dans la navette du retour
où ma voisine occupait avec une assurance joviale les 3/4 de nos
deux sièges (Brigetoun devient légèrement trop large pour ne pas
être un tantinet gênée...)
Débarquer
intra muros un peu après cinq heures, céder en passant à l'une de
mes envies de l'aller et distraitement choisir comme trajet de retour
la petite cohue d'un dimanche après-midi festif, et à part un
guitariste les «marchands du temple».
Trier
photos (pas parfait le réglage de l'appareil...) préparer ceci,
arroser, me faire un thé, éplucher une patate pour le dîner,
regarder avec un découragement passager la masse de contributions à
l'atelier de François Bon parues depuis mon dernier passage, ronger
mon retard, réaliser que je lis mal, me reposer jusqu'à la douche,
la robe fraîche
et le
départ en début de soirée
vers
ma place au premier rang de la Cour du Lycée Saint-Joseph, pour
Grito Pelao qui
nous vient de Séville et que le programme du festival résume ainsi
(comme un petit commentaire à côté du titre) Un
trio qui danse et chante les peurs, doutes et espoirs que suscitent
la maternité et la filiation.
Un
spectacle de Rocio
Molina, dansé par elle et sa mère Lola Cruz, avec le chant de
Silvia Pérez Cruz, (homonymie), sa
voix éraillée et mélancolique, et quatre musiciens dont le
guitariste Eduardo Trassierra, également compositeur de la musique
de scène.
Parler
du désir de maternité, qui fut le sien, qui l'a amenée à se faire
inséminer un peu avant sa rupture avec sa compagne, qui lui a fait
décidé de garder cet enfant, tout en continuant le plus longtemps
possible à danser. Et
pour cela faire appel pour ce spectacle comme fée tutélaire à sa
mère (une merveilleuse petite femme toute de féminité, force et
tendresse, d'une grâce extrême quand elle danse (de très beaux
moments), grâce de femme mure, qui danse avec elle mais aussi qui
aux moments où elle n'est pas sollicité peut rester dans le fond du
plateau pour tricoter, et comme amie et partenaire artistique Silvia
Pérez Cruz aussi célèbre et hors norme comme chanteuse qu'elle
l'est comme danseuse.
(les deux photos sont bien entendu de Christophe Raynaud de Lage)
Début
avec des formes ondoyantes bleues projetées sur la façade, une
musique d'ondoiement liquide, et elle, dansant assise sur une chaine
qui ondule avec elles jusqu'à donner l'impression d'être prise dans
le flux comme l'enfant dans le corps maternel.
Entrée
des deux autres femmes, des musiciens et ma foi c'est difficilement
racontable, danses, chants, entre tendresse et violence, et, surtout
par le chant, l'agression l'acceptation de toutes les questions qui
peuvent se poser.
De la voie lactée,
Du torse de l'étalon,
D'un amour éprouvette ;
Battement d'hôpital
Sperme et calostrum
D'une sanction pénale
Traverse le sol,
le bassin, l'enclos.
Poussière sans terre,
Sans rituel.
Avec
l'évidence de la solution : l'amour, l'amour des trois femmes
pour l'enfant à naître (la chanteuse est mère heureuse d'un garçon
de dix ans au prix d'un accouchement pénible) et leur amour-amitié
Voilà
un compte rendu bien amoindri... Dire qu'elles sont unies et très
différentes, bien appuyées par les musiciens, que la musique passe
de la sérénade au violon, à la bande enregistrée, au flamenco...
Mais
qu'il y a peut-être un quart d'heure de trop prétendait ma jambe
qui s'ankylosait et que j'ai dû contraindre à se presser vers
l'antre, sans y arriver tout à fait.
9 commentaires:
Carcasse, tiens bon, je t'en prie et la haute culture avec moi
Merci pour ces partages et découvertes et courage navette et cie... tu ne peux tout faire ..je pense à François Bon
+ 1 pour Casabotha
peux pas tout faire.. pas vous lire ni lire le contributions de l'atelier il y en a trop et là me re-réveille maintenant moulue comme pas possible et avec antre et vêtements en besoin de moi… vais être cool jusque"à quatre heures et quelques mais guère plus présente
"légèrement trop large" je souris mais pense plutôt à toi " largement trop légère"
ben si la fatigue m'a fait grossir légèrement cet hiver, assez pour que mes pantalons se révèlent un peu justes (et veux pas en racheter, je passe aux jupes, sauf pour certains) et ça continue là
Avignon : Rocio Molina danse sur son nombril
La danseuse et chorégraphe flamenca met en scène sa grossesse et se perd dans le « je ».
LE MONDE | 09.07.2018 à 10h18 |
Fécondation in vitro, contraction, perte des eaux, où sommes-nous ? Dans un show télé ? Non sur le plateau de Grito Pelao (« cri déchirant »), de Rocio Molina, le 7 juillet, dans la cour du lycée Saint-Joseph à Avignon. La danseuse et chorégraphe flamenca intrépide, enceinte de quatre mois, met en scène sous toutes les coutures sa grossesse, son désir d’enfant, sa solitude de femme célibataire et homosexuelle. Elle est accompagnée par sa mère Lola Cruz qui observe sa fille comme on surveille le lait sur le feu et par la chanteuse catalane Silvia Perez Cruz (aucun lien familial entre elles). Une triade vigoureusement campée, soutenue par quatre musiciens.
La scène est blanche, vierge, propice au neuf. Une couronne de sable entoure un bassin d’eau qui attend son heure. Des vidéos multicolores grifferont régulièrement le décor, selon les courbes de température des protagonistes. Sur fond pourpre, rose ou violet, les trois femmes tissent une relation souple, flexible dans l’espace. Courses, étreintes, confidences, roulades imbriquées au sol, ce triangle de la complicité féminine circule bien. Même à distance, dans une diagonale marquée à ses extrémités par deux chaises sur lesquelles sont posés deux immenses châles à franges, elles tirent sur l’élastique d’un lien solide : celui de la maternité, le tricot rouge de Lola dévidant sa pelote comme le fil de l’attente et de l’amour.
Rocio Molina s’offre ici un énorme cadeau spectaculaire. Elle succombe aussi malheureusement à une recette dans l’air du temps qui fait commerce de tout et de l’intime en particulier. Dans Grito Pelao, elle déballe, relit son histoire en direct comme on livre son journal intime. Le 28 mars, jour de son insémination, elle a choisi une robe rouge. Elle fait une mise au point sur sa relation avec sa mère, passionnée de ballet, sa naissance, lui offre un pur bijou de danse – un « tarento » qui cingle et bondit. Elle se faufile dans le temps, tisse un cocon de tendresse comme on bâtit son nid. Le fantasme d’harmonie entre les générations, de sérénité dans la transmission, plane sur ces tableaux de partage et de réconciliation autour d’un enfant.
Cette charge émotionnelle et sentimentale appuyée trouve une alliée en Silvia Perez Cruz. La chanteuse, guitariste et comédienne, possède une palette musicale riche, entre flamenco, classique et jazz. Si les textes de ses chansons, traduits en direct sur le fond du plateau, pèsent lourd question lyrisme et symbole – « de mère à mère, de sein à sein, de bouche-à-bouche »-, ils font bouillir le flamenco sidérant de Rocio Molina. Elan fulgurant, pieds volubiles, port de bras sculptés, son impulsivité et sa virtuosité ne font qu’un dans sa silhouette ramassée, toujours prête à dégainer.
« Amoureuse de moi »
Mettre son ventre sous les projecteurs pendant près de deux heures court le risque de plonger dans le… nombrilisme. Ce que n’évite pas Rocio Molina. Manque de distance, d’équilibre, la chorégraphe, aux avant-postes de la modernité flamenca depuis le milieu des années 2000, appuie à fond sur la pédale du « je ». Entre calendrier de grossesse, dossier médical avec échographie, thèmes « maternité » et relation « mère-fille » tendance magazine féminin, confidences psy…, Grito Pelao coche trop de cases. La scène finale du bain, longue, très longue, que l’on attendait depuis le début du spectacle, tend un miroir narcissique au corps de Rocio Molina. Un texte curieux, dit par la danseuse au début de la pièce, revient alors en mémoire : « Je suis tombée amoureuse de moi, de ma vie, de mon angoisse, de ma rage… »
Après Avignon, Rocio Molina se produira au Festival grec, à Barcelone, puis à la rentrée, au Théâtre de Nîmes, et en octobre, au Théâtre national de la danse de Chaillot, où elle est artiste-associée. Elle sera alors enceinte de sept mois.
oui merci j'ai vu et aimé
(et lu ensuite l'article du Monde)
Avec du retard merci pour la pensée, Brigitte. La troupe Kafka dont vous parlez dans cette page voulait faire un spectacle à partir de mes traductions en ligne, mais ils n'ont pas souhaité payer le traducteur, donc refus.
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