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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

dimanche, juillet 15, 2018

Avignon – jour 9 – pas de vent, un jardin pour le Cameroun, une cour pour les Pays-Bas

départ sous un ciel où les nuages vont et viennent, sans qu'un souffle soit perceptible sur la ville, vers le jardin de Mons (puisque Calvet n'est plus possible ou ne l'était pas hier, pour cause de rigidité et d'Adjani, il me reste le plaisir de ces rendez-vous organisés par RFI, en plus petite assistance, pour découvrir littératures trop ignorées)
En fait rigidité il y a aussi, un peu, moindre, puisqu'il nous a fallu attendre dans la cour de Vilar par laquelle se fait cette année encore l'accès au jardin (si nous étions arrivés avec une grosse demie-heure d'avance afin d'obtenir une place qui soit durablement ombragée) sous les taux mauves et bleus qui transformaient les lions du portail en monstres rêvés (fallait bien occuper mon imagination)


Rigidité au début aussi, après le passage devant l'exposition de dessins de Cabu, le petit souterrain et l'escalier débouchant dans ce merveilleux jardin, dans l’alignement des bancs et chaises... mais à force de couver d'un oeil plein d'ennui le petit mur de l'aile, entre les petites platebandes et les marches... ai obtenu d'aller m'y installer sur une souche…
et puis peu à peu, des marches ont été conquises, avant l'herbe rare... sur laquelle me suis installée juste à temps pour écouter, en jouant avec les brindilles et petits cailloux, Charlotte Niamack, accompagnée par Wilfried Manzanza à la batterie, lire-dire La poupée barbue d'Edouard Elvis Bvouma (Cameroun), texte qui est la suite-retournement-de-point-de-vue f(A la guerre comme à la Gameboy qui donnait la parole à un enfant soldat surnommé Boy Killer, qui se racontait à une jeune fille inconsciente, couchée dans les herbes, dans un camp déserté, à la fin de la guerre. Cette fois c'est la fille qui parle qui raconte sa fuite, le viol collectif, l'enfant dans son ventre, sa haine, la guerre et son amour naissant pour Boy Killer. En cinq chapitres, avec une langue enfantine, faussement naïve, empreinte d'émotions pudiques, elle nous entraîne dans l'horreur.
Applaudissements... ai laissé les spectateurs, les auteurs des différents textes qui seront présentés etc... devant un grand buffet et de cordiaux échanges
et m'en suis revenue à travers la place de l'horloge écrasée de chaleur en ce milieu de jour (alors qu'officiellement il fait un peu moins chaud)
Sieste, dans l'ombre fraîche de l'antre – suis pleutre savez-vous et j'évite les heures de foule et de grosse chaleur, suis indigne du festival - un peu de politique, un gros peu de lectures de contributions à l'atelier d'été de François Bon http://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article211, tenter de mettre au net les idées qui avaient flotté au petit matin pendant que je regardais la vidéo de la proposition 23 – paysage cinq fois et envoyer le résultat, un petit tour sur internet

et départ en orée de nuit, en essayant de liquider rapidement le coin place de l'horloge rue de la République, les petits métiers, les ballons, les plaisirs auxquels je souhaite réussite mais qui m’insupporte un peu (en ai honte, plus fort que moi, atavisme)
vers le Lycée Saint Joseph, une attente dans les couloirs,
et le troisième rang de la cour (le bout échangé contre ma place au centre avec un charmant et courtois contemporain) le regard sur la grande glace en fond de scène qui me renvoyait l'image du gradin se remplissant, pour assister au nouveau spectacle de Ivo van Hove (toujours un travail impressionnant pour des résultats que j'ai aimé ou qui m'ont repoussée tout en étant admirables suivant les cas) De dingen die voorbijgaan (ou les choses qui passent) d'après un roman de Louis Couperus, adapté par Koen Tachelet, en austère noir d'après les photos de Jan Versweyveld – ou la majorité de celles-ci et en en copiant deux j'ai choisi la seule où les personnages sont colorés – et d'après la présentation sur le site
Au centre de la scène, deux très vieux amants attendent la mort, persuadés que personne ne connaît l'horrible secret qui les lie. Leurs enfants et petits-enfants essaient en vain de s'en libérer ; les fardeaux familiaux se transmettent toujours de manière souterraine. De la société rigide de La Haye, dépeinte dans le roman de Louis Couperus, Ivo van Hove conserve l'atmosphère étouffante, l'aspect tragique. La scène, salle d'attente ou purgatoire, est l'espace de toutes les désillusions, un abîme, emprisonnant les sentiments dont on ne sait plus s'ils s'apaisent ou se déchaînent. Dans une résonance pulsatile, une horloge égrène le temps. Course inéluctable... En noir, les personnages tel un choeur antique portent en eux une angoisse qui prend en étau, bloque les désirs, asphyxie les aspirations. Les émotions parfois délicates restent avant tout crues, souvent abrasives, sans aucun répit pour ce fil générationnel pris au piège.
Alors : un décor élégant et épuré, un grand plateau quasiment vide, encadré par deux rangées de chaises en vis à vis où les personnages viendront s'asseoir, attendre, s'interpeler, ou les quitter pour rejoindre l'action au centre, là où on installe les deux sièges pour les deux amants criminels (époux tué dans une nuit de passion à Java je crois, ou une autre île des indes néerlandaises) – plateau occupé vers le fond par une discrète et élégante, installation pour l'assez formidable musicien (cloche, matériaux divers dont des bols de verre, des tubes, un saxo etc...) Harry de Witt qui intervient ponctuellement, discrètement, créant un bain sonore en appui presque subliminal aux échanges, devant la grande glace qui pivote parfois pour faire place à un panneau support de vidéos ou images fixes, comme lorsqu'il s'agit d'évoquer le voyage d'un jeune couple de fiancés, le sud, la découverte de la sensualité (avec cette conviction en partie fausse que le sud est terre de liberté et de sensualité alors que la différence tient bien plutôt à cette culpabilité qu'ils promènent avec eux et qui les amènent lorsqu'ils veulent atteindre cette tant désirée sensualité naturelle à des excès légèrement ridicules et forcés – par contre le poids de la famille s'ils avaient voulu le comparer est de même ordre) – une formidable direction d'acteur qui fait vivre ce qui pourrait n'être que des silhouettes, des types (et j'ai eu une tendresse pour la vieillarde portant dignement les conséquences de la formidable passion de sa jeunesse)
Et grâce au choix du texte, l'absence de l'agacement révolté que j'avais éprouvé tout en admirant le travail quand il avait monté the fountainhead d'Ayn Rand au contact de cet esprit foncièrement faux.
De très belles images, notamment dans la scène finale, trouvée un peu longuette, qui se situe à la mort des deux amants et montre ce que deviennent les membres de la famille et notamment le plus intéressant des petits fils (celui qui avait cru à un amour, à la sensualité, et à la possibilité de ne plus se soucier de sa mère-enfant)
salut
retour dans la ville qui voulait continuer la fête avec le brusque désagrément d'un jet de bière atterissant sur ma jambe (j'exècre l'odeur de la bière depuis de brèves amours de jeunesse) et fin de la musique sur la place pendant que je notais ceci...

Pardon imploré d'avoir été si longue (considérez, si vous pètes passés et avez suivi jusque là,  que c'est mon carnet de notes)

6 commentaires:

arlette a dit…

Carnet de notes qui se remplit avec plaisir plus que reportages convenus tout le charme est là Merci , désolée pour les incivilités malodorantes

Brigetoun a dit…

maladresse plus qu'incivilité (parler avec les mains et une canette ouverte dans la petite foule…)

Dominique Hasselmann a dit…

Marathon woman...

Brigetoun a dit…

bonjour et merci (très courts marathons alors et uniquement hors gros cagna (je dédaigne les "vous devriez aller voir X à 14 heures à l'autre bout d'Avignon" venus d'hors la ville… même si je dois manquer des chefs d'oeuvre)

Claudine a dit…

c'est un honneur de suivre ce carnet

Brigetoun a dit…

fou-rire !
au fond je pourrais accepter la phrase contraire : c'est un honneur pour ce carnet d'être suivi, merci (c'est une aide en fait)