départ sous un ciel où
les nuages vont et viennent, sans qu'un souffle soit perceptible sur
la ville, vers le jardin de Mons (puisque Calvet n'est plus possible
ou ne l'était pas hier, pour cause de rigidité et d'Adjani, il me
reste le plaisir de ces rendez-vous organisés par RFI, en plus
petite assistance, pour découvrir littératures trop ignorées)
En fait rigidité il y a
aussi, un peu, moindre, puisqu'il nous a fallu attendre dans la cour
de Vilar par laquelle se fait cette année encore l'accès au jardin
(si nous étions arrivés avec une grosse demie-heure d'avance afin
d'obtenir une place qui soit durablement ombragée) sous les taux
mauves et bleus qui transformaient les lions du portail en monstres
rêvés (fallait bien occuper mon imagination)
Rigidité au début aussi,
après le passage devant l'exposition de dessins de Cabu, le petit
souterrain et l'escalier débouchant dans ce merveilleux jardin,
dans l’alignement des bancs et chaises... mais à force de couver
d'un oeil plein d'ennui le petit mur de l'aile, entre les petites
platebandes et les marches... ai obtenu d'aller m'y installer sur une
souche…
et puis peu à peu, des
marches ont été conquises, avant l'herbe rare... sur laquelle me suis
installée juste à temps pour écouter, en jouant avec les brindilles et petits cailloux, Charlotte Niamack,
accompagnée par Wilfried Manzanza à la batterie, lire-dire La
poupée barbue d'Edouard
Elvis Bvouma
(Cameroun), texte qui est la suite-retournement-de-point-de-vue f(A
la guerre comme à la Gameboy qui
donnait la parole à un enfant soldat surnommé Boy Killer, qui se
racontait à une jeune fille
inconsciente, couchée dans les herbes,
dans un camp déserté, à la fin de la guerre. Cette fois c'est la
fille qui parle qui raconte sa fuite,
le viol collectif, l'enfant dans son ventre, sa haine, la guerre et
son amour naissant pour Boy Killer. En cinq chapitres, avec une
langue enfantine, faussement naïve, empreinte d'émotions pudiques,
elle nous
entraîne dans l'horreur.
Applaudissements...
ai laissé les spectateurs, les auteurs des différents textes qui
seront présentés etc... devant un grand buffet et de cordiaux
échanges
et
m'en suis revenue à travers la place de l'horloge écrasée de
chaleur en ce milieu de jour (alors qu'officiellement il fait un peu
moins chaud)
Sieste,
dans l'ombre fraîche de l'antre – suis pleutre savez-vous et
j'évite les heures de foule et de grosse chaleur, suis indigne du
festival - un peu de politique, un gros peu de lectures de
contributions à l'atelier d'été de François Bon
http://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article211,
tenter de mettre au net les idées qui avaient flotté au petit matin
pendant que je regardais la vidéo de la proposition 23 – paysage
cinq fois et
envoyer le résultat, un petit tour sur internet
vers
le Lycée Saint Joseph, une attente dans les couloirs,
et
le troisième rang de la cour (le bout échangé contre ma place au
centre avec un charmant et courtois contemporain) le regard sur la
grande glace en fond de scène qui me renvoyait l'image du gradin se
remplissant, pour assister au nouveau spectacle de Ivo van Hove
(toujours un travail impressionnant pour des résultats que j'ai aimé
ou qui m'ont repoussée tout en étant admirables suivant les cas) De
dingen die voorbijgaan (ou les choses qui passent) d'après
un roman de Louis Couperus, adapté par Koen
Tachelet, en
austère noir d'après les photos de Jan
Versweyveld – ou la majorité de celles-ci et en en copiant deux
j'ai choisi la seule où les personnages sont colorés – et d'après
la présentation sur le site
Au centre de la scène,
deux très vieux amants attendent la mort, persuadés que personne ne
connaît l'horrible secret qui les lie. Leurs enfants et
petits-enfants essaient en vain de s'en libérer ; les fardeaux
familiaux se transmettent toujours de manière souterraine. De la
société rigide de La Haye, dépeinte dans le roman de Louis
Couperus, Ivo van Hove conserve l'atmosphère étouffante, l'aspect
tragique. La scène, salle d'attente ou purgatoire, est l'espace de
toutes les désillusions, un abîme, emprisonnant les sentiments dont
on ne sait plus s'ils s'apaisent ou se déchaînent. Dans une
résonance pulsatile, une horloge égrène le temps. Course
inéluctable... En noir, les personnages tel un choeur antique
portent en eux une angoisse qui prend en étau, bloque les désirs,
asphyxie les aspirations. Les émotions parfois délicates restent
avant tout crues, souvent abrasives, sans aucun répit pour ce fil
générationnel pris au piège.
Alors
: un décor élégant et épuré, un grand plateau quasiment vide,
encadré par deux rangées de chaises en vis à vis où les
personnages viendront s'asseoir, attendre, s'interpeler, ou les
quitter pour rejoindre l'action au centre, là où on installe les
deux sièges pour les deux amants criminels (époux tué dans une
nuit de passion à Java je crois, ou une autre île des indes
néerlandaises) – plateau occupé vers le fond par une discrète et
élégante, installation pour l'assez formidable musicien (cloche,
matériaux divers dont des bols de verre, des tubes, un saxo etc...)
Harry de Witt qui intervient ponctuellement, discrètement, créant
un bain sonore en appui presque subliminal aux échanges, devant la
grande glace qui pivote parfois pour faire place à un panneau
support de vidéos ou images fixes, comme lorsqu'il s'agit d'évoquer
le voyage d'un jeune couple de fiancés, le sud, la découverte de la
sensualité (avec cette conviction en partie fausse que le sud est
terre de liberté et de sensualité alors que la différence tient
bien plutôt à cette culpabilité qu'ils promènent avec eux et qui
les amènent lorsqu'ils veulent atteindre cette tant désirée
sensualité naturelle à des excès légèrement ridicules et forcés
– par contre le poids de la famille s'ils avaient voulu le comparer
est de même ordre) – une formidable direction d'acteur qui fait
vivre ce qui pourrait n'être que des silhouettes, des types (et j'ai
eu une tendresse pour la vieillarde portant dignement les
conséquences de la formidable passion de sa jeunesse)
Et
grâce au choix du texte, l'absence de l'agacement révolté que
j'avais éprouvé tout en admirant le travail quand il avait monté
the fountainhead d'Ayn Rand au contact de cet esprit
foncièrement faux.
De
très belles images, notamment dans la scène finale, trouvée un peu
longuette, qui se situe à la mort des deux amants et montre ce que
deviennent les membres de la famille et notamment le plus intéressant
des petits fils (celui qui avait cru à un amour, à la sensualité,
et à la possibilité de ne plus se soucier de sa mère-enfant)
salut
retour
dans la ville qui voulait continuer la fête avec le brusque
désagrément d'un jet de bière atterissant sur ma jambe (j'exècre
l'odeur de la bière depuis de brèves amours de jeunesse) et fin de
la musique sur la place pendant que je notais ceci...
Pardon imploré d'avoir
été si longue (considérez, si vous pètes passés et avez suivi jusque là, que c'est mon carnet de notes)
6 commentaires:
Carnet de notes qui se remplit avec plaisir plus que reportages convenus tout le charme est là Merci , désolée pour les incivilités malodorantes
maladresse plus qu'incivilité (parler avec les mains et une canette ouverte dans la petite foule…)
Marathon woman...
bonjour et merci (très courts marathons alors et uniquement hors gros cagna (je dédaigne les "vous devriez aller voir X à 14 heures à l'autre bout d'Avignon" venus d'hors la ville… même si je dois manquer des chefs d'oeuvre)
c'est un honneur de suivre ce carnet
fou-rire !
au fond je pourrais accepter la phrase contraire : c'est un honneur pour ce carnet d'être suivi, merci (c'est une aide en fait)
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