début de
nuit en fusion
un sommeil
haché
un matin
irascible
avant que revienne la
chaleur, m'en suis allée, dans les rues qui s'éveillaient sous les
volets ouverts pour recueillir la fraîcheur du petit matin, la ville
qui referme peu à peu la pause post-festival, le soleil qui
s'installait, les terrasses de cafés et restaurants qui
s'apprêtaient à le faire.
Revenue d'humeur plus
sereine (j'avais commencé en idiotie butée) j'ai voulu mettre des
mots pour une bonne femme qui me rodait dans le crâne depuis la
veille (pour une seconde contribution au 29 de l'atelier d'été de
François Bon https://youtu.be/LmR-MVUUc6Q)
mais elle était aussi fuyante qu'insistante cette bonne femme aux
qualités cachées, et pour les trouver ses qualités l'ai mise dans
trois cadres qui prenaient toute la place et engloutissaient encore
davantage ses petites lumières... avant d'être presque satisfaite.
L'ai envoyée et me suis trouvée à nouveau en nage, crâne si
bouillant qu'incapable d'autre chose (bon j'exagère un peu), juste
apte, avant de reprendre lectures à la tombée de la nuit, à
chercher images pouvant aller avec le texte répondant à la vidéo
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Les coquilles roses de la
façade, vue en léger biais, découpée par la haute ouverture en
demi-cercle d'un des passages transversaux, dans l'enfilade de la rue
offerte au dix-huitième siècle à la gloire des maîtres bouchers,
coquilles de pierres grassement dessinées que ses yeux caressaient
toujours avec tendresse, au dessus des ferronneries des petits
balcons et des piles de pierres plus classiquement blanches qui
encadraient, au rez-de-chaussée, les grandes ouvertures d'un café
de si bonne bourgeoisie urbaine qu'on l'aurait cru là depuis
toujours, avec la minuscule terrasse sans autre marque que
l'empiètement de deux rangées de tables allongées et de leurs
chaises sobres en bois foncé sur les dalles ivoires, rythmées de
bandes d'un rose de sang qui s'efface, terrasse assez réduite, comme
ses voisines, ou les quelques petits étals ou panneaux indicateurs
de magasins, pour ne pas gêner le large espace destiné à la marche
des piétons, à ce qui avait peut-être été dans des temps plus
anciens un flot aussi ininterrompu qu'une procession vouée aux
achats. Ces coquilles dominant les arcs où se logeaient les
porte-fenêtres du premier étage, les petites fenêtres carrées du
second, les balcons, le rez-de-chaussée commercial, cette
organisation de façade, immédiatement reconnue comme aimée,
familière, alors que dans son adolescence, les pierres étaient
uniformément noircies, assombries par l'âge, le manque d'entretien,
que seul le coffrage blanc et bleu clair de la partie droite
éclaircissait, sous le grand bandeau indiquant «le bon lait» qui
masquait le balcon... la partie gauche occupée par un commerce dont
il avait oublié la destination, qui ne le concernait sans doute pas,
masquant balcon et bandeau indicateur sous une banne de couleur
imprécise, quelque chose comme un rouge tant délavé qu'il n'était
plus que sang séché, la rue étant alors une succession de
boutiques alimentaires ou de petit outillage, quelque bazars aussi
sans doute, de part et d'autres de la même coulée de dalles
qu'aujourd'hui avec sa petite rigole centrale qui semblait venir de
temps immémoriaux. Pourtant, sur une photo à peine plus ancienne
d'une dizaine d'années – il était debout au premier plan, sa main
tenue fermement par sa mère - entre les boutiques aux coffrages
peints de frais ou en déliquescence, c'était une large chaussée
aux petits pavés réguliers posés en biais qui avançait entre de
petits trottoirs, si exigus qu'inutilisables... Restaient toujours
ces deux façades se faisant vis à vis, un peu avant les passages
transversaux, derniers restes du projet d'origine – il se disait
toujours qu'il devrait chercher à voir, peut-être étaient-ils aux
archives municipales, les plans de l'architecte qui avait ouvert
cette rue au dix-huitième siècle, à travers un des plus importants
hôtels particuliers de la ville que la municipalité (si cela
s'appelait ainsi à l'époque, la commune peut-être plutôt) avait
acquis pour ouvrir cette allée quasi triomphale – un peu plus loin
une grande boucherie aux portes surmontées de têtes d'animaux en
pierre sculptée faisait face à un autre temple alimentaire –
allant vers l'espace où se déversaient anarchiquement depuis
toujours les produits des campagnes environnantes, pour lesquelles,
un peu plus tard, le fils du premier architecte avait créé une
place entourant une halle à piliers de pierre : les étals de
légumes et leurs couleurs opulentes emplissant alors disait-on toute
la place autour de cette ébauche de halles et la rue-allée qui y
menait. Etaient-ils couverts de ces mêmes grandes bannes plantées
sur de longs poteaux en biais, comme le dais au dessus du trône de
l’évêque disait son arrière grand-père, quand il évoquait
l'importance, la richesse de cette rue, la multitudes des femmes en
chignons, jupes et tabliers simples ou tournures et chapeaux qui s'y
pressaient, du moins dans son souvenir peut-être en partie fantasmé
? L'incessante modification de ce coin de ville, avec l'ancrage,
depuis leur construction, de ces deux façades en vis à vis.
(je rappelle :
l'ensemble des contributions
http://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article211)
5 commentaires:
Avec Carcasse en caryatide de fournaise
Avignon est-elle vide ? On se demande si elle arrive à se remettre de la fin du festival (les restaurateurs se retrouvent plongés dans les terrasses désertées)... ?
il y a : les touristes (et ceux quo sont en individuels sont clients des terrasses, de nouveau presque pleines; il y a ceux qui ne partent pas en vacances (pour les rues ça va, pour les terrasses moins), ceux qui partent en juillet et sous-louent leur logement
ill y a dans les rues aux heures chaudes seuls ceux qui ne peuvent faire autrement
en fait aux halles un étal sur deux était fermé la semaine dernière, le petit traiteur voisin aussi, rouvrent lundi ou le lundi suivant...
Il y a une rue du Rollingergrund chez nous en perpétuelle reconstruction avec des maisons de toutes les époques des deux derniers siècles, il faudrait une Brigetoun pour la décrire, parce que chaque fois que je l'emprunte je me dis que même les cubes à la dernière mode n'arrivent pas à lui faire perdre son attrait.
A mon avis Claudine, avec l'acuité de votre oeil, vous devriez essayer
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