Matin emmener deux draps
jusque chez blanchisseur, revenir avec quatre draps, deux robes, une
jupe - une des robes à re-repasser) et avancer dans ma petite
sociologie de la canne, qui veut qu'il y ait fraternité discrète,
ou non et ceci dans les cas pas vraiment souhaitable, entre les
porteurs-portés par canne, que dans un théâtre, une salle
d'exposition, certains commerces elle déclenche une courtoisie
extrême, entachée souvent chez les jeunes-femmes d'un peu trop
d'attention maternelle pour la pauvre créature diminuée et perdue
devant la vie, mais que, sauf exceptions délicates, il y a des gens
ainsi, portée avec une robe de lin un peu froissée, un jean, une
vieille jupe et surtout un cabas, un couffin, une housse de vêtement
cela va du regard légèrement méprisant à un rien de rudesse
indifférente (en fait c'est si peu marqué que cela reste
éventuellement pratique ou plutôt comique)
Je devais aller à la
FabricA à six heures pour voir Lewis versus Alice de
Macha Makeïeff avec la résolution de ne pas tenir compte de la
déception générale, mais auparavant suis partie en bon gros
périple vers le point off de la porte Saint Michel, longeant
affiches restantes, files d'attente,
et
puis munie d'une belle feuille me tenant lieu de carte pour les
spectacles off des derniers jours (mais je pense ce soir que vais
faire un break, rejoindre la grande poste, un bus qui m'a presque
aussitôt déposée devant les peupliers de Giéra et la FabricA.
Je
reprends la présentation du spectacle sur le site (et trois des
photos de Christophe Raynaud de Lage qui vous donneront une faible
idée de mes difficultés pour la suite)
Qui du public est au
clair sur Lewis ? Et qui des spectateurs croit comprendre Alice ?
Avec Lewis versus Alice, Macha Makeïeff entre dans l'univers
fantastique de l'immense écrivain britannique et approche le
psychisme de ce poète énigmatique, indocile avec les conventions
victoriennes, collectionneur bizarre, excentrique clergyman d'Oxford,
photographe, logicien, spirite, célébré par les Surréalistes...Sa
rêverie nous plonge dans les contradictions d'un monde trouble, où
tout fluctue, se traverse et s'inverse avec humour et fragilité.
Parce que « chez Lewis Carroll tout est mot, et n'est que ça, ce
n'est pas dramatique, cela reste de l'ordre de la conversation dans
un rêve. Cela “ se dit ” puis disparaît... » Avec la musique
pop gothique, les sons et les voix d'ailleurs, le spectateur est mis
à l'épreuve du surnaturel : un décor et son envers, des
personnages qui apparaissent, la pénombre et les éclats du rêve,
des jeux de langues française et anglaise... Des mondes superposés
et en miroir à l'image de Lewis-Alice qui aimait tant
contredire la cruauté du réel.
Alors
que dire ? Que, comme l'avais lu je suppose qu'elle est passée
un peu à côté avec cette explication en partie psychologique,
qu'Alice relève davantage de la logique absurde que du surnaturel
d'après ce que j'en ai compris... mais que les images sont souvent
belles, qu'il y a des sourires que j'ai esquissé sans avoir le temps
de m'y attarder, et que la musique, souvent présente, était
doublement la bienvenue parce que le chef des tee-shirt rouge m'a
trouvé une place au premier rang (savait-il ou non ce qu'il faisait)
à côté d'un homme assez imposant, un peu tassé, que nous avons
échangé quelques mots aimables et qu'au moment où le noir se
faisait il s'est collé contre moi pour me demander d'être ses yeux
et de lui murmurer ce qui se passait sur scène... et bien pour être
franche même avec quelqu'un d'aimé, de très sympathique, ce qui
n'était pas vraiment le cas, même et encore davantage pour le plaisir d'aider, la tâche était tout sauf aisée et du coup suis bien incapable
de dire ce que j'ai pensé de la pièce... si ce n'est mon léger
remords parce que, quelques minutes avant la fin, à la troisième
allusion à la chasse au Snark, fort allusive justement j'ai chuchoté : «désolée,
j'ai mal» (ce qui était en grande partie vrai, parce que le siège était passablement remuant ce qui ne me vaut rien) et me suis éclipsée,
et
sans attendre le bus suis rentrée, totalement hors service en arrivant, très fière de la durée de ma
marche, un peu moins de mon manque de vraie sympathie et petit sursaut d'égoïsme et de l'imperfection certaine de ma version orale des images...
4 commentaires:
Oh!!!j'imagine la situation avec ce voisin pressant ..donc tu es partie rapidement désolée mais l'absurde Alice ..etait complice tout une histoire à vous deux 😃 belle marche pour aération des esprits contradictoires Bravo
pas si rapidement tout de même (l y a devoir d'assistance évident) j'ai tenu pas tour à fait deux heures mais sans doute sans y mettre tendresse juste attention forcément maladroite parce que c'était vraiment difficile (peinais à comprendre moi même parfois)
dernier épisode qui rentre dans votre sociologie de la canne (que j'expérimente du côté luxembourgeois)
salut ô soeur !
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