un lundi matin occupé
comme un dimanche ordinaire : lavage cheveux, repassage, avec
cette sacrée douleur plus ou moins forte et l'hésitation à
consulter – décider que non, et sortir dans la douceur qui
s'accroit et le bleu que les nuages commençaient à repeupler pour
liquider SFR et prévenir banque et puis me promener en claudiquant.
Pas penser, rester assez
soigneusement somnolente (avec tout de même, en plaisir jubilatoire
et attention presque scolaire, Calvino et ses leçons américaines ou
du moins une soixantaine de pages) et donc continuer à recopier mes
participations à l'atelier d'été du tiers.livre de François Bon
https://www.tierslivre.net/ateliers/category/cycle-ete-2019-pousser-la-langue/ete-2019-7-introspection-sous-verbe/
Tout compte
non fait
Suis née.
Ai été un miracle. N'ai
plus été un miracle.
Ai accueilli les miracles
suivants, ai protégé les de moins en moins miracles suivants, ai
trouvé qu'ils prenaient de la place mais c'était amusant. Ai été
chef de file. Ne voulais pas être chef de file. Ai cédé les rênes
au numéro deux.
Ai aimé avoir confiance
dans les adultes. Les laissais décider. Les écoutais . Et souvent
choisissais de ne pas. Disais non. Constatais alors qu'ils avaient
raison. Souvent. Etais rassurée. Revenais et disais oui. Ou bien me
taisais.
J'ai menti, j'ai aimé
mentir, j'ai trouvé cela plus joli et drôle, je n'ai jamais menti
utilement ou ne le voulais pas. J'ai imaginé des histoires pour les
petits. Me plaisait trop. Les ai ennuyés. Ai gardé mes histoires
pour moi.
Me cachais ce que n'aimais
pas et de ce que n'aimais pas. Me cachais. Décidais de ne pas voir
ceux que n'aimais pas. Fermais les portes. Me regardais. Espérais me
voir autre. Avais peur des regards. Mais aimais les sourires et me
moquais de savoir à qui ou à quoi ils s'adressaient.
Bougeais peu. Savais ma
maladresse. Cassais ce que j'aimais. Mais lançais mon esprit, avec
enthousiasme, trop vite. Croyais comprendre ce que voulaient les
gens. Me trompais souvent. Le savais. En fait me trompais très
souvent sur les gens. Aimais qui il ne fallait pas. Aimais qui ne
m'aimait pas. Aimais bien ou aimais vraiment mais en silence. Me
contentais de ce plaisir. Ai grandi, un peu. Ai vieilli surtout. Ai
appris à aimer la solitude. Me voulais quiète. L'étais parfois.
Ai appris à lire. Ai
voulu savoir lire pour découvrir ce qui était écrit. Ai aimé
lire. Mais ne comprenais pas. Lisais en attendant. Me moquais un peu
du sens. Goûtais la musique muette sous mes yeux. Ai grandi ou
vieilli pour cela aussi. Ai relu. Ai choisi au fil des ans qui
comprendre à travers la musique de sa langue. Griffonnais en
cachette. N'osais montrer que ce qui était devoir ou plus tard
travail. Ai été absurdement fière d'avoir rédigé les lettres
types du Cabinet. Aime toujours les mots plus que le sens affiché.
Avais peur des autres.
N'en ai plus peur pour moi depuis longtemps. Regardais, regarde
l'humain avec effarement, pour le mal ou le bien. Détestais et
redoute les indiscrets. Me reprochais ma lâcheté quand j'aurais pu
aider et me reproche ma maladresse quand je le peux. Refusais de me
pardonner, fais avec.
Pensais différent.
Pensais contre. Ai vécu un temps dans un monde de pensées muettes
si pensée y avait. Avec le temps ai trouvé avec qui penser en
accord. M'en inquiète un peu.
Voulais avoir oeil
innocent, sauf pour travail. Me méfiais des idées. Ne voulais pas
penser. Ne pouvais que penser. Détestais, non déteste le mot
raison. N'aime généralement pas ce que je comprends.
Ne croyais pas au mot
bonheur. Ai décidé d'en ignorer l'idée. Il m'a ignoré, m'a laissé
les joies. Pense que c'est bien.
Vivais à côté de ma
vie. M'étonnais de la vie. M'étonnais encore un peu de moi. Voulais
pourtant être vue. Choisissais le ridicule.
Avais décidé que je
n'aimais pas la vie ou ma vie. Jouais avec l'idée, juste l'idée de
la mort.
Mais c'est ainsi, chaque
fois qu'il l'a fallu, jusqu'à maintenant, me suis cramponnée à la
vie.
13 commentaires:
le réverbère joue le double de la lune... :-)
en plus éblouissant même si économies d'énergie
Magnifiques photos !
merci (mais en fait je voulais surtout mettre sue paumée mon petit texte)
À chaque jour, son miracle même si parfois il se fait désirer.
Non Michel, je t'en remercie
Oh ZUT une fausse manoeuvre (m'habitue mal au protocole de la nouvelle messagerie) le commentaire ci-dessus répondait au gentil passage de Michel que je viens de supprimer, mais peux recopier, alors :
"Ce texte, dans lequel je et sans doute beaucoup d'autres se reconnaissent, me touche.
Et avec ce beaucoup d'autres nous traversons un siècle.
Étonnant, non ?
(Dois-je regretter que tu comprennes ces lignes ? ^_^ ) "
Oui beau texte et soudain vibre une corde oubliée
Merci Arlette
Texte fort qui touche au plexus. Et au delà des aléas d'une vie, une sacrée confiance dans cette même vie, une construction.
J’ai beaucoup aimé aussi le texte, et je pensais l’avoir dit mais le commentaire a du partir subrepticement avant la fin !
Marie Christine, Brigetoun se couvre la tête de cendres… vraiment en mauvais état à tous points de vue ce matin !
Mon Dieu qu'il est beau ce texte
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