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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

dimanche, mars 25, 2012

Marcher dans Avignon, en regardant le sol – se souvenir de la patience de Mauricette, la patiente


Ces jours où, parce que j'ai voulu hisser mes pieds sur un talon haut, comme une dame, ou pour autre raison plus organique, ma démarche joue entre l'instabilité floue et le léger et rapide raffermissement juste à la limite, où je cesse de regarder le bleu ou les nuages, où je marche yeux sur l'avancée des pavés dans la lumière frisante, une courbe étirée qui m'est flèche, la succession des tons, des formes par laquelle mes yeux entraînent mes pieds.

Les douces marches, en leur courbe large, et leurs blessures tendres qui marquent l'accès à la planitude de la place.

Les plots, les marches, les bandes de mes compaings pigeons qui rythment et brisent les distances

Les ombres en succession musicale, avec une régularité légèrement distordue, les petites notes de fantaisie qu'ébauchent leurs légères différences, et leur inexorable avancée, sur un segment de chemin.

Sortir dans la cour en fin de journée, dans une douce tiédeur, pour arroser.
Rêver jardin, penser Lucien Suel (j'ai des mécanismes ancrés), penser « la patience de Mauricette » fermé en début de nuit vendredi. Essayer d'en parler maintenant pour Babelio (et tant pis s'il y a déjà brillantes critiques)

L'histoire de Mauricette Beaussart (celle qui a été présente sur http://etoilepointetoile.blogspot.fr/ ), vieille femme maintenant, dit-elle, est-elle, d'ailleurs ou plutôt vieillissante - d'outre 60 ans et portant toutes ces douleurs, ce passé, ces morts, cette culpabilité.. mais aussi la mère, le grand-père jardinier, les enfants auxquels elle a enseigné, qu'elle a aimé, faute d'en avoir...) - qui vient de s'échapper, de partir tranquillement, du service psychiatrie de l'hôpital d'Armentières, et l'inquiétude de Christophe son ami (et cette partie est divisée entre des renseignements donnés comme un récit un peu impersonnel, distancié, et ce qui filtre à travers les mots, les gestes de Mauricette pendant son séjour à l'Hôpital),
« Mauricette demandait l'explication, voulait connaître le pourquoi du chagrin. Elle était toujours au bord de la flagellation, de l'auto-mutilation, avec un regard scalpel, regard laser fixé sur le détail révélateur de la misère humaine, le gravier dans la chaussure, le bout de pain mouillé à l'orée d'une narine, ou la couleur bleutée du liquide vaisselle. »
« Je ne veux plus de cauchemars. Vous savez c'était dans le mois d'avril du dimanche de mort et résurrection dans ce moment, cette journée là. C'était le chemin de halage mais les péniches se tiraient par des chevaux. »
« Comme Mme Delateau qui m'écoute avec ses grands yeux bleus. Si je parle, je vois les mots entrer dans ses yeux. On dirait des cailloux qui descendant dans un étang, dans l'eau... Mais pour toi, c'est mieux si les mots passent dans l'électricité de la peau.» dit-elle à Christophe dans une de leurs longues promenades dans le jardin.

alternant avec, en italique, les pensées, le débat intérieur, les notes qu'elle a portées dans son cahier jaune pendant son séjour (écriture recréée par Lucien Suel, parente de celles des malades de Marco Ercolani dans «j'entends des voix», et autres livres, sans caricature, comme vécues), avec des redites, et une progression, des phrases plus tenues, un jeu avec les mots peut-être plus conscient, au fil du livre.
« Ce n'est pas du hasard Emile Emilie. Je les fais circuler à l'intérieur de moi, mon corps je veux dire : noyade dans l'estomac, accident au genou, mort subite dans le bras gauche, cancer dans la rétine, boyaux rouges. L'innocence perdue avec des cheveux gris.»
« J'écris comme je veux. Je suis une loque, on ne va pas me repasser. Je sèche au bord de l'évier. Je moisis avec comme une toile d'araignée qui pousse sur ma joue et aussi plus bas sur mes mollets, des fils grisâtres. »

La beauté, tourmentée pour certains, à des degrés divers, de tous les personnages, leur tendresse et celle que nous éprouvons, que j'éprouve, que Lucien Suel éprouve pour Mauricette.
La beauté de ce qu'elle écrit, comme ceux qui ont lâché les rênes, et comme une qui a vécu avec la découverte et l'amour des livres et de la poésie.
« .. tu vois comme c'est beau, c'est calme, mais c'est une illusion. Regarde la cicatrice sur la branche. On dirait un moignon. Les arbres souffrent. La guerre des champignons cancérigènes. Regarde le bourrelet, c'est une cicatrice qui se referme. Quelquefois, la cicatrice ne se referme jamais. » dit-elle encore à Christophe
et elle écrit
« Il me faut trois mille fleurs pour décorer mon chariot de Reine des Nieulles et des Poètes Ordinaires. Je vole au-dessus du champ de bataille. Je vais peut-être m'écraser. Non, je dois me reconcentrer, pas seulement tracer avec ma fourchette des rigoles de mots dans la purée. »
Avec, à la fin, au moment de son départ volontaire, ces pages qu'elle a arrachées du cahier, qui s'ouvrent sur l'acceptation, l'apaisement, l'espoir (et comme j'ai lu sans suivre l'ordre de parution, le développement de Mauricette chez Lucien Suel, dans «Blanche étincelle», j'avais en souvenir cette renaissance, qui ne nie pas le passé, ce goût des bonheurs, de l'amitié, du jardin..)
« Le poème de la terre, d'une enfance innocente. Je ne suis pas malheureuse. Je suis libre. Je continue. C'est peut-être la grâce. »

10 commentaires:

Brigetoun a dit…

je pense que vais renoncer - ou à tout le moins fermer commentaire - par pitié pour moi et les quelques fidèles

Pierre R Chantelois a dit…

Chère Brigitte

Ne tenez pas pour ingrats une absence momentanée de commentaire ou un retard dans leur formulation. Je ne peux répondre que personnellement à votre déception, fort légitime, au demeurant. Et je me permets de vous laisser ce mot en raison notamment de l'excellent travail que vous investissez quotidiennement dans la production de ces rubriques toutes plus intéressantes les unes que les autres. Ne voyez pas dans cette absence ou ce retard, dans ces absences ou ces retards, une infidélité à votre égard, voire une ingratitude ou une fatalité. La fréquence et la régulation du lectorat sont ou devraient, me semble-t-il, être des guides pour nous blogueurs et blogueuses. Lorsque cette fréquence ou cette régulation tomberont ou chuteront dramatiquement, il y aurait, il y aura, lieu de s'interroger. Avec lucidité. Mais je suis persuadé qu'il n'en est rien ici avec ces pages lumineuses que vous nous offrez quotidiennement à lire. Comme, en ce jour, même cette touchante et peu ordinaire histoire de Mauricette. Qui de nous aurait connu en d'autres circonstances ces réflexions et cette écriture sur la vie, écrites par Mauricette, si ce n'est en visitant votre blogue et en jetant un oeil sur le blogue de référencement que vous nous avez proposé. Soyez, chère amie, indulgente avec vous-même et soyez patiente avec nous-même. Et fermer ces commentaires au libre passage de vos lecteurs et de vos lectrices serait vous priver d'un prodigieux contact avec ces derniers et ces dernières. Pourrait-on imaginer de s'interdire de prêter un livre à un ami ou à une amie au prétexte qu'il ou elle ne le lirait pas ou pour cet autre motif qu'il ou elle ne le rendrait pas à son propriétaire. Si je me montre parfois indiscipliné sur les heures, il ne saurait être question de me montrer indifférent, voire absent, d'une lecture passionnante et enrichissante, et cela, au quotidien, de vos pages encore une fois toujours extraordinaires et merveilleuss.

Voilà. C'est dit.

Pierre R. Chantelois

JEA a dit…

Milosz :
- "En chacun de nous se débat un lapin fou pendant que hurle une meute de loups, et notre peur, c'est que les autres ne les entendent..."

Michel Benoit a dit…

...et de belles photos.

Brigetoun a dit…

oh Pierre ce n'était pas critique, reproches ni rien de semblable mais moi même je laisse peu de commentaires, à part quelques rares, et j'aime et suis des blogs que je ne commente pas - c'est souvent pas facile ou corvée - alors me dis que devrais vous épargner ça - et avec votre gentillesse tous vous passeriez tout de même
Allons en paix (et Brigitte défais ton panier de courses)

Danielle Carlès a dit…

Plaisir, mais plus en réalité, après une absence courte, mais très loin, sans internet, en amitié, de retrouver dans la maison où je reviens seule, vous avec Mauricette, et encore de l'amitié évoquée. C'est une douce routine de vous retrouver chaque jour. Le prix, ce sont les mots, les vôtres et de temps en temps les nôtres, en ponctuation. Mais nous voulons trop dire, je crois, et parce que c'est écrit on voudrait du sens à tout prix, et pourquoi pas de l'intelligence, de l'esprit, du beau, alors qu'il s'agit de bien autre chose. Il faudrait pouvoir opérer, seulement avec des mots, une espèce de transmutation du silence partagé. Et ne pas s'excuser, comme j'ai envie de le faire, du fatras que je viens déposer chez vous, et ne pas se censurer, comme je le fais aussi constamment, parce qu'on n'aurait qu'une banalité à exprimer, c'est beau, ça me plaît, je suis d'accord, merci, moi aussi, et même trivial et bête, chouette, génial, trop bien, comme on fait tous les jours, simplement, quand ça va bien avec les gens qui nous entourent.
Alors, bêtement, merci, passez une bonne soirée, et à demain.

Brigetoun a dit…

un très grand merci à vous - mais justement si je pense supprimer les commentaires c'est pour ça - moi aussi j'en laisse peu, souvent difficile et puis semble superfétatoire - alors je me dis que ce serait plus gentil de ne pas avoir l'air d'en attendre - alors on verra parce qu'avec le changement blogger ce n'est pas si simple et que je n'ai pas le temps ce soir

jeandler a dit…

Qui n'a pas rêvé, un jour, un soir, pour de multiples raisons, avouées ou non avouables, de seulement jeter une bouteille à la mer sans espoir de réponse ?
Le silence de la mer nous crèvera les oreilles.

Gérard Méry a dit…

ne nous fais cette peine...comme dit Pierre le silence serait insupportable

Anonyme a dit…

En effet, ce serait bien dommage de nous priver en quelque sorte de laisser une petite trace de notre passage.
Je commente très peu, mais suis une fidéle depuis un temps certain.
N'ayant pas de blog, je reste un peu dans l'ombre.

Flore